Apéro philo du 3 décembre 2019 au Quai d’Harcourt

1- Texte introductif écrit et lu par Bruce Dévernois

Le climat varie, il a toujours varié. C’est une question d’échelle de temps. Au Quaternaire, sous l’influence principale de Jupiter et Saturne les variations de l’ellipse que parcoure la Terre autour du soleil (cycle entre 100 000 et 400 00 ans) et l’inflexion de l’axe de rotation de la Terre par rapport à cette ellipse (cycle entre 20 000 ans et 30 000 ans) expliquent notamment les variations du climat au cours des 2,5 millions d’années qu’a duré ce Quaternaire. Ces phénomènes sont connus sous le nom de « cycles de Milankovitch ». En particulier les variations de l’axe de rotation de la Terre expliquent en gros la suite des périodes de glaciation qu’a connu la Terre...

Mais, depuis le siècle dernier, l’homme est devenu la cause majeure du changement climatique à l’échelle d’un siècle : il s’agit de l’émission des gaz à effet de serre. En fait les gaz tri-atomiques, notamment et principalement le CO2 (un peu de chimie) sont transparents au rayonnement solaire, mais sont opaques au rayonnement infra-rouge de la terre ; d’où un réchauffement des couches basses de l’atmosphère et du climat, mais parallèlement un refroidissement de la stratosphère...Comme la différence entre la température près du sol et celle de la stratosphère augmente, la pompe aspirante augmente, d’où mécaniquement une hausse de la violence des orages, des tornades, des ouragans, des typhons, des précipitations, des sécheresses et plus généralement de tous ces phénomènes météos qui ne vont que croître et se renforcer dans les années à venir...

Tous les oxydes présentent des molécules très stables et il faut beaucoup d’énergie pour les dégrader. Cela explique que le di-oxyde de carbone (le CO2) en particulier s’accumule dans l’atmosphère. Il existe deux phénomènes naturels qui détruisent le CO2 : le premier est un phénomène physique : la dissolution du CO2 au contact de l’océan : c’est une question de différence de pression partielle, mais ce phénomène physique s’affaiblit au fur et à mesure que l’océan se réchauffe – les scientifiques nous expliquent que c’est même un phénomène qui pourrait s’inverser à terme (avec le réchauffement) ; le deuxième c’est la photosynthèse , c’est à dire la transformation par les plantes du CO2 en oxygène et carbone.

Si demain matin, on arrêtait totalement les émissions de gaz à effet de serre, provenant de la consommation des énergies fossiles (soit les 2/3 de l’énergie primaire consommée dans le monde et en France aussi), il faudrait environ 1 siècle pour que le surplus de CO2 qu’on a créé soit diminué de 60 % par ces deux phénomènes. Il en resterait encore 20 % dans mille ans et 10 % dans dix mille ans. Il est important d’avoir ces ordres de grandeur en tête pour le débat que nous allons avoir. En conclusion, nous sommes en face d’un processus fondamentalement irréversible en matière de changement climatique. Le jour où on voudra changer, la seule certitude qu’on aura c’est que demain sera pire qu’aujourd’hui.

Autre sujet, c’est que nous sommes des animaux qui fonctionnont avec nos sens et donc nous essayons et nous arrêtons si ça ne colle pas. Sauf que dans le changement climatique il n’y a pas de bouton reset : on ne peut pas arrêter si ça ne colle pas. Nous ne nous rendons pas compte non plus ce que ça fait 5° en moyenne de réchauffement climatique d’ici la fin du siècle, ce qui est aujourd’hui probable, le dernier rapport du GIEC parlant maintenant suivant les modèles utilisés d’un réchauffement de 3 à 7° d’ici 2100.

Cinq degrés en moyenne d’ici la fin du siècle, pour avoir un ordre d’idée, c’est ce qui a séparé les périodes de glaciation des périodes interglaciaires comme nous en connaissons une aujourd’hui, sauf qu’au Quaternaire cela prenait des milliers d’années voire des centaines de milliers d’années, soit, au total, beaucoup plus qu’un siècle...

Comme arrêter les émissions de gaz à effet de serre est d’autant moins facile que les deux tiers de l’énergie mondiale (comme nous l’avons déjà vue) que nous consommons aujourd’hui sont des énergies fossiles, donc émettrices de ces fameux gaz, y compris en France, qu’on décrit comme un pays tout nucléaire à tort, il est à peu près certain maintenant, sauf arrêt quasiment complet de la croissance basée sur la consommation d’énergie, que l’on va dans le mur le pied à fond sur l’accélérateur.

De plus, le réchauffement climatique va entraîner le dégel accéléré du permafrost, rempli de matières organiques et végétales. Un problème majeur lorsque l’on sait que la quantité de CO2 piégée dans le permafrost équivaut à quatre fois celle que les activités humaines ont émise depuis le milieu du XIXe siècle, sans compter la libération de méthane (CH4) ainsi que de nombreux virus et bactéries des temps anciens piégés dans ces glaces… Donc, notamment, la montée de bien plus de 3° de la température moyenne mondiale d’ici la fin du présent siècle est quasiment acquise…

Je vous laisse imaginer ce que voudrait dire un arrêt de la croissance alors même que de simples ralentissements ont déjà entraîné la multiplication des révoltes type printemps arabes, Brexit, gilets jaunes en France, élection de Trump aux Etats Unis, explosion du terrorisme, crises en amérique latine (Equateur, Chili, Bolivie, Argentine, notamment), au Moyen Orient (Liban, etc...), dans la France d’outre-mer (Mayotte, La Réunion...)...

Comme nos gouvernants ne comprennent pas cette approche systémique de l’énergie, ils sont incapables de l’expliquer et de donner la parole aux gens pour que ces derniers inventent par eux-mêmes des solutions de décroissance dans la solidarité. Au lieu de cela nos gouvernants sont toujours à vouloir concilier la quadrature du cercle : croissance et diminution des gaz à effet de serre... Comme de plus on ne dispose pas d’un gouvernement mondial pour d’une part expliquer d’autre part arrrêter cette croissance, on est probablement parti pour de graves problèmes de survie de l’espèce humaine...

Pourtant la croissance qui est corrélée avec la consommation en volume de l’énergie fossile conventionnelle, est, depuis le pic atteint aux alentours de 2008 selon les parties dans le monde, en train de ralentir partout avec son cortège de révoltes pour cause de baisse de pouvoir d’achat... La fonte des calottes polaires va produire d’autres drames avec la modification des courants transocéaniques, notamment la disparition du gulf stream et la fin de l’Europe tempérée. Paradoxalement, une nouvelle période de glaciation attend l’Europe qui ne pourra plus alors nourrir les européens. Nous allons donc assister à une inversion des flux migratoires vers le sud... Comment serons nous alors accueillis ?

Autre problème, la population mondiale est proche maintenant de 8 milliards d’habitants alors que, lorsque j’avais 20 ans, nous étions plus proches de 2 milliards d’habitants. Prenons le Niger qui est un pays sahélien et qui a le plus de naissance par femmes dans le monde. En 1965, il y avait environ 3 millions d’habitants. En 2018, les nigériens étaient environ 22 millions. Avec une division par 3 du taux de fécondité, en 2050, selon une étude de l’ONU, ils seront 80 millions et, à la fin du siècle, environ 200 millions dans un pays grand comme un peu plus de 2 fois la France et semi-désertique... Si le taux de fécondité restait le même qu’aujourd’hui, alors ils pourraient être environ 1 milliard en 2100... Ce petit pays talonnerait à lui seul la Chine ou l’Inde...

Tout cela dit pour essayer de cerner les enjeux auxquels notre planète devra faire face.

En particulier, en Europe, pour mettre le pied sur le frein et respecter notamment l’accord de Paris signé lors de la COP21 il conviendrait que, dans les deux à trois ans qui viennent, nous autres, citoyens européens, exigions de nos gouvernants, et cela quelque soit leur tendance politique, de réduire massivement nos émissions de gaz à effet de serre notamment :

  • en fermant toutes les centrales à charbon

  • en généralisant la voiture à moins de 2 litres aux 100 km

  • en modifiant les modes de transport en ville (notamment parking en périphérie des villes, transports en commun, vélos, etc...)

  • en substituant des trains à grande vitesse à la place des avions, sans oublier la réduction massive de l’utisation du béton,

  • en modifiant les process de l’industrie lourde pour consommer beaucoup moins de carbone

  • en isolant massivement les logements anciens

  • en isolant massivement les bâtiments publics

  • en plantant massivement de nouvelles forêts européennes pour la séquestration du carbone

  • en passant massivement à l’agriculture durable (moins d’intrants, moins de pesticides, moins d’énergie, plus de bras, etc...)

Cependant, il n’est même pas sûr que cela suffirait à atteindre l’objectif visé par l’Europe et notamment par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni lequel est zéro émission nette de gaz à effet de serre, objectif confirmé et réaffirmé en 2016 lors de la COP22 à Marrakech.

Pour mesurer votre propre impact (que nous ne soupçonnons en général même pas) sur les émissions des gaz à effet de serre, je vous recommande un petit logiciel à l’adresse suivante : www.avenirclimatique.org

De même que je vous recommande une conférence de Jean-Marc Jancovici sur Youtube du 29 août 2019 à Sciences Po un peu longue mais, ô combien intéressante, à l’adresse suivante :

Conférence de Jean-Marc Jancovici

Et, maintenant qu’est-ce qu’on fait ?  A vous tous la parole, les échanges et les débats d’idées...

2- Sources

3- Energie et climat : quelles interactions avec l’agriculture ? Une conférence de Jean-Marc Jancovici à la grande école AGRO de Grigny


4- La presse en parle