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      Jean-Marc Jancovici répond aux questions de Nicolas Jacob, responsable de recherche à ODDO BHF Asset Management, conseil des investisseurs financiers de la façon suivante :

      Il n’y a pas de définition normative de la transition écologique. L’ONU a une définition qualitative avec 17 objectifs différents qui se contredisent. S‘agissant de l’énergie : en Allemagne on est opposé au nucléaire, en France on est hybride, au Royaume Uni, le nucléaire est clairement un allié…

      La neutralité carbone, c’est faire en sorte que les émissions de gaz à effet de serre/GES (CO2 essentiellement aujourd’hui) soient complètement absorbées par les océans et la photosynthèse.

      Si on y arrive pas par nous mêmes, on y arrivera involontairement du fait de la baisse des ressources, mais ce sera beaucoup plus douloureux !

      Deux degrés d’élévation des températures (on a déjà dépassé 1,5 degrés) n’ont pas un effet proportionnel sur la planète : 2 degrés c’est 10 000 fois plus de dégâts que 1 degré et 3 degrés c’est probablement un million de fois plus de dégâts que pour une élévation de 1 degré et ainsi de suite…

      Une comparaison peut être faite avec la température du corps humain, 1 degré c’est loin d’être grave, 3 degrés cela devient beaucoup plus grave, 5 degrés on est probablement mort…

      Politiquement on a fixé une limite à 2 degrés. Mais à 2 degrés, l’ensemble des coraux sur terre sont morts (aujourd’hui on a déjà dépassé 1,5 degrés). Pour tenir sur la crête des 2 degrés, il faut diminuer les émissions mondiales de GES de 5 % chaque année d’ici non seulement notre mort mais également jusqu’à la mort de nos enfants… En 2020, du fait de la covid19 et de la crise sanitaire les émisions de GES ont été diminuées de 5 %. Donc l’ordre de grandeur nécessaire pour ne pas dépasser 2 degrés de hausse est d’environ les effets d’une covid19 chaque année. Si on ne le fait pas notre environnement s’en chargera probablement pour nous, mais dans un effroyable chaos.

      En d’autres termes, pour sauver la planète, il faut s’inscrire durablement dans une économie de récession.

      Il est impossible pour une entreprise seule d’atteindre une neutralité carbone. En effet elle est dépendante de tous les circuits économiques traditionnels. Donc la question pour une entreprise devient : en quoi contribue-t-elle à la neutralité carbone mondiale ?

      Depuis l’origine des temps jusqu’à l’invention de la machine à vapeur, l’homme a vécu dans un monde d’énergies renouvelables (ER). Ce n’est qu’environ depuis 2 siècles qu’il est passé aux énergies fossiles, émettrices de GES… Et les énergies fossiles ont servi à faire fonctionner les machines qui ont permis une multiplication des seuls muscles de l’homme et donc du PIB mondial par un facteur de l’ordre de 200 si on compare la situation d’aujourd’hui sans machines et avec machines nourries aux énergies fossiles.

      Pas une seule seconde, il n’est malheureusement envisageable que les énergies renouvelables se substituent aux énergies fossiles pour alimenter toutes ces machines qui ont permis cette croissance immense… Donc un retour au monde avec ER est possible, mais avec une division du PIB mondial comprise entre 5 et 50…

      Quand on veut produire des ER avec le solaire ou l’éolien on utilise des ressources (métalliques et autres –des centaines de fois plus importantes que pour les énergies fossiles par kwh produit-) telles que le coût en carbone comme en euros est bien plus élevé que les différents coûts du fossile ou du nucléaire. En plus la place qu’occupe le solaire (des milliers de fois plus imporatnte par kwh produit) et l’éolien est inenvisageable…

      Restent notamment l’hydro-électricité et le bois. Mais la marche à franchir est telle qu’Il n’est pas possible de faire fonctionner, avec les seules ER, le monde d’aujourd’hui.

      Le gaz est condamné à terme (c’est une énergie fossile) mais peut être utile à titre transitoire à condition d’être utilisé de façon modérée pour organiser la transition écologique (dans les 30 ans qui viennent, il faut absolument ferrailler toutes les centrales à charbon si on veut limiter la hausse des températures à 2 degrés – on peut en remplacer une petite partie seulement par des centrales à gaz)…

      Je n’attends rien de la prochaine COP 26 à Glasgow. La seule COP ayant apporté quelque chose est la COP 15 à Copenhague en 2009 dont on a dit pis que pendre mais qui a néanmoins préparé en coulisse une adoption future d’une hausse limitée à 2 degrés…

      Une COP (réunion annuelle des 200 pays que compte environ le monde) c’est un processus onusien remontant, prenant ses décisions à l’unanimité qui ne peut de fait aboutir : toutes choses égales d’ailleurs, c’est comme si 200 copropriétaires se réunissait en AG sans ordre du jour, sans projet de résolution, sans syndic, avec une voix par appartement quelle que soit la superficie de l’appartement, mais ou par contre les travaux sont à payer au pro-rata de la surface de chaque appartement, le tout pour se mettre d’accord à l’unanimité en un jour sur un programme de travaux conduisant à tout réviser de fond en comble dans l’immeuble. La probabilité qu’ils y arrivent est proche de zéro (ndlr : voir la pièce de théâtre donnée sur ce sujet à l’espace Sylvia Montfort à Paris 15, il y a quelques années).

      La COP c’est la même chose, chacun arrive avec ce qu’il est prêt à faire pour diverses raisons. C’est donc un endroit d’où ne sortira aucun système contraignant s’appliquant à l’ensemble de l’humanité pour sauver son climat. Il y a néanmoins des prises de position de grands Etats, de grandes entreprises, de collectivités locales, voire de particuliers qui ne sont pas inintéressantes… Mais rien ne se décide vraiment lors d’une COP…

      En ce qui concerne l’Europe, le pic de production d’énergies fossiles est passé depuis belle lurette et donc l’Europe a donc tout intérêt à se lancer à fond dans la décarbonation de son économie, car si elle ne le fait pas, et quoi qu’il arrive, cela passera par une récession continue. L’Europe s’est lancée dans de nombreuses voies contradictoires comme par exemple à la fois la baisse des émissions de carbone et le recul du nucléaire, ce qui n’est pas possible, sans compter bien d’autres contradictions soit au niveau de la réglementation des pays composant l’Europe, soit également à celle conçue au niveau européen…

      Pour un investisseur européen dans ce contexte, il convient de franchir les étapes suivantes : d’abord bien comprendre ce qui se passe, les données physiques du probème, les constantes de temps, les ordres de grandeur, les irréversibilités, ensuite bien comprendre le lien entre l’énergie et l’économie et en particulier faire des projections en fonction de la fiscalité de demain. Ensuite il convient de se doter d’une métrique permettant d’établir pour chaque action unitaire engagée une sorte de comptabilité en euros doublée d’une sorte de comptabilité carbone. En plus ça ne coûte pas cher…

      Les feux de forêt c’est un puit de carbone qui est annihilé. De plus avec le réchauffement climatique il y a un affaiblissement de ce puit de carbone du fait du stress hydrique des plantes et arbres qui ont besoin d’eau pour pousser… Cet affaiblissement, notamment dans les zones tempérées fait que les forêts de ces zones n’arrivent plus à capter suffisamment de carbone grâce à la photosynthèse. Il y a donc un risque à terme, en lien avec les feux de forêt, que ce puit de carbone disparaisse et soit remplacé au contraire par une source d’émission de GES (dépérissement des arbres, diminution de la photosynthèse, bois mort, brûlé etc…). Si tel devenait le cas, le processus commencerait à s’emballer et on ne sait pas où il peut s’arrêter…

      Du coup, il y a un véritable sujet de gestion forestière, notamment en France (voir nouvelle loi sur le sujet) où il conviendrait d’éliminer les seuls arbres qui vont mourir (c’est notamment le cas des épicéas et des hêtres en plaine) et les remplacer par d’autres espèces. Donc on a un besoin massif d’investissements dans ce domaine… En particulier il serait préférable que l’Etat garantisse un taux de rendement dans la régénération forestière plutôt que dans l’implantation d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques qui, on l’a vu plus haut, ne sont pas à la hauteur des enjeux climatiques…

      Quand on regarde la puissance de stockage installée sur terre (électricité), elle est égale à 2 % de la puissance de production (7000 GigaW contre 150 GigaW). Au sein de ces 2%, les batteries représentent 0,5 %. Donc les batteries représentent au total 0,01% de la puissance de production… Donc on aura juste pas assez de métal sur terre pour construire les batteries qu’il faudrait pour stocker les quantités nécessaires d’électricité. Par ailleurs le bilan carbone de la construction des batteries ; aujourd’hui pour juste stocker 1 Kwh sur batterie, on produit entre 50 et 100 g de CO2. Restituer 1 Kwh d’électricité d’origine éolienne ou photovoltaïque, c’est équivalent à produire 100 g de carbone par Kwh d’électricité restituée. C’est mieux qU’une centrale au gaz qui se situe aux environs de 400 g, ou une centrale au charbon qui se situe à 1000 g, mais moins bien qu’une centrale nucléaire qui se situe à 6 g. Quand on dit que le solaire couplé à la batterie, c’est zéro CO2, ce n’est pas vrai…

      La covid19 et la crise sanitaire jouent comme un accélérateur dans cette prise de conscience des limites planétaires, du moins de certaines personnes (on ne pourra pas recommencer à produire comme avant, même si on n’en prend pas vraiment le chemin aujourd’hui, du moins seulement marginalement)…

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      Banalités sur les énergies renouvelables, poncifs sur le nucléaire… L’écologie, un sujet trop sérieux pour les journalistes et les politiques ? Rencontre avec Natacha Polony et Etienne Campion, journaliste à Marianne. “Le goût de la vérité n’empêche pas de prendre parti”. Albert Camus

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    Yannick Saleman revient en détails sur les propositions du Plan de transformation de l’économie française pour l’emploi. Ce rapport s’appuie sur l’ensemble des travaux sectoriels du PTEF, l’expérience des auteurs, des recherches bibliographiques poussées, et surtout des échanges avec des dizaines de professionnels pour présenter les évolutions quantitatives et qualitatives de l’emploi cohérentes avec la décarbonation de la France à horizon 2050. Il propose également une série de mesures concrètes à mettre en œuvre par secteur, mais aussi plus globalement : une véritable politique industrielle pour la mise en action du PTEF dans l’économie française.

    Lancé en mars 2020 par le Shift Project, le PTEF ou Plan de transformation de l’économie française est un vaste programme opérationnel pour nous emmener vers la neutralité carbone, secteur par secteur. Né dans le sillage de la crise sanitaire, ce plan vise à proposer des solutions pragmatiques pour transformer l’économie, en la rendant moins carbonée, plus résiliente et créatrice d’emplois. Notre objectif est de convaincre un maximum de décideurs politiques et économiques de planifier la transition, avec des propositions concrètes et chiffrées.

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