1. Blog “Sciences au carré”

Article publié le 31 janvier 2019 par Sylvestre Huet, l’un des meilleurs journalistes scientifiques français

Peut-on encore parler de démocratie pour des sociétés devenues dépendantes de technologies obscures à la plupart des citoyens ? Alors que l’ignorance du savoir constitué ne diminue pas, ce nouveau défi lancé à la volonté démocratique interroge les partisans d’une transformation sociale renouvelant les espoirs d’émancipation du vingtième siècle.

Le rêve de Diderot à l’époque du Big Data

L’Académie des sciences a mis en ligne, en accès libre, la première véritable édition numérique de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Ce titanesque ouvrage – vingt-huit volumes parus entre 1751 et 1772, 74 000 articles écrits par près de cent cinquante auteurs parmi lesquels Voltaire, Rousseau, Daubenton… la fine fleur du siècle des Lumières – devient disponible à toute personne bénéficiant d’une connexion Internet.

Il propose une numérisation complète du texte. Il est donc possible d’y faire des recherches. Avec le mot «esclavage», on obtient dans l’article «égalité naturelle» : «Puisque la nature humaine se trouve la même dans tous les hommes, il est clair que selon le droit naturel, chacun doit estimer & traiter les autres comme autant d’êtres qui lui sont naturellement égaux, c’est-à-dire qui sont hommes aussi bien que lui.» On comprend l’âpreté de la bataille pour sa publication.

Avec l’Encyclopédie, ses auteurs souhaitaient mettre à disposition de la société les connaissances disponibles, en particulier celles relatives aux moyens de production agricoles et artisanaux. Les relations qu’ils tissaient entre ce projet et leurs conceptions politiques étaient bien sûr limitées aux possibilités de l’époque. Les bouleversements de 1789, et surtout de 1793, n’étaient pas encore passés par là.

Mais quelle serait la transposition contemporaine de cette démarche ?

Une formule pourrait la symboliser : l’alliance de l’instituteur et du bureau de vote, inspirée de la fameuse formule de Lénine : «les soviets et l’électrification». L’émancipation humaine vue comme l’ambition de faire de chaque personne un citoyen capable de décider dans quelle société il veut vivre, en alliant la forme politique démocratique avec un partage généralisé des connaissances acquises. Mais ce rêve peut-il être encore poursuivi alors que le corpus du savoir croissant à grande vitesse défie sa diffusion et que les technologies utilisées pour produire nos moyens de vie sont de plus en plus obscures à leurs utilisateurs ?

A l’époque de l’Encyclopédie, il suffisait de savoir lire et d’un peu de mathématiques pour accéder à l’essentiel du savoir utilisé en pratique dans les techniques artisanales ou dans les premières manufactures. Les maths de Newton sont déjà hors de portée de la majorité des instruits, mais n’ont pas d’usage dans la vie courante. Les techniques utilisées pour produire, se transporter, communiquer, se chauffer ou construire… étaient «transparentes». Les planches de l’Encyclopédie en témoignent qui décortiquent moulins et matériels agricoles, artisanaux et des manufactures, en pièces élémentaires dont le rôle est évident. La source de l’énergie utilisée (force musculaire, vent, eau, feu) n’est pas nécessairement comprise dans son principe physique ou chimique, comme le feu, mais le résultat de son action ne recèle aucun mystère. La transmission des forces, via des engrenages simples, également. Tout le monde ou presque pouvait les comprendre alors que l’électronique de nos téléphones portables ou de nos voitures reste une «boite noire» pour la plupart d’entre nous. Donc le prérequis souvent oublié de la démocratie – opérer un choix en connaissance de cause – pouvait s’appliquer aux techniques.

Aujourd’hui, cette partie «du rêve de Diderot» – rendre tout citoyen connaisseur des techniques – demeure t-elle réalisable ? Et sinon – c’est la thèse ici défendue – comment concilier cette impossibilité avec la volonté démocratique ?

Voici, tirées de mon expérience professionnelle, consacrée depuis 1986 à l’information sur le mouvement des connaissances et des technologies, comme de ma participation à des débats citoyens, quelques remarques sur cette question, décisive pour la démocratie actuelle et future, des relations à tisser entre les connaissances scientifiques et les décisions politiques.

Question décisive, car l’usage massif des technologies a transformé les sociétés humaines et notre environnement naturel à un point tel que la plupart des grandes décisions que nous avons à prendre pour notre économie, nos moyens de vie, nos relations entre peuples, ont désormais partie liée avec le savoir disponible. Partie liée parce que nos conditions de vie sont, pour l’essentiel, déterminées par l’usage que nous faisons, ou non, de ces technologies. Mais aussi parce que ces dernières sont si puissantes qu’elles modèlent l’avenir planétaire, ayant doté l’Humanité de moyens égaux aux grandes forces géologiques qui ont transformé la Terre.

Le savoir disponible à mobiliser pour prendre des décisions « en connaissance de cause » relève de trois catégories. Celui créé par le labeur continu de l’armée des travailleurs de la preuve, sur le fonctionnement des systèmes naturels et artificiels. Celui sur les transformations du monde naturel par l’impact de nos technologies. Mais également celui issu des sciences humaines et sociales sur l’impact sociétal de ces technologies.

Les savoirs sur lesquels sont fondées ces technologies elles-mêmes – non au sens du discours sur la technique mais au sens des machines et objets que nous utilisons, des ordinateurs aux réseaux électriques, des innombrables produits de l’industrie chimique aux réseaux de communications – posent une question radicale à la démocratie. Jusqu’à la révolution industrielle, la plupart des êtres humains pouvaient partager le savoir dont dépendaient leurs outils de production ou leurs objets de consommation. Il n’y avait en réalité que peu d’écart entre les savoirs empiriques et les connaissances savantes du paysan et de l’agronome, du maître maçon et de l’architecte, du marin et du concepteur de navires. Au fond, ce qui était le mieux partagé, c’était l’ignorance massive du fonctionnement du monde naturel. C’est l’époque où l’on ignore l’existence des microbes, la raison pour laquelle le Soleil brille, pourquoi le ciel est bleu, l’évolution des espèces et où le béton n’est pas très différent de celui des Romains de l’Antiquité. Une ignorance dont la science était justement en train de percer les murs.

Deux siècles plus tard, la rupture anthropologique est consommée. Le corpus des savoirs est immense, et si deux milliards d’êtres humains dépendent toujours d’une agriculture où leurs muscles et leurs mains sont les outils principaux, une bonne part de l’Humanité dépend pour sa vie quotidienne, sa nourriture, son logement, ses habits, son activité économique ou ses communications avec autrui… de technologies dont les fondements intellectuels lui échappent autant que les limites, les potentialités ou les risques.

Et cette rupture est, à échéance prévisible, irréversible. Le projet civilisationnel de l’Encyclopédie – qui trouve un écho dans la formule de Brecht « élargir le cercle des connaisseurs » – doit certes être poursuivi avec acharnement et sans restrictions de moyens pour l’éducation ou la politique culturelle. Mais il se heurte aujourd’hui à un obstacle majeur : à la différence de l’essentiel du savoir de 1750, celui qui est à la base des technologies les plus courantes ne semble plus partageable à l’échelle de la société quels que seront les efforts que nous mobiliserons pour y parvenir.

Ce constat peut sembler dur, désespérant, voire exagéré alors que l’âge de la scolarisation obligatoire et surtout le temps réel passé en formation initiale ne cessent de croître, que le nombre d’étudiants, dans notre pays, est passé d’à peine huit cent mille lors de mon passage à la Sorbonne à plus de deux millions et demi. Mais est-il vraiment nécessaire de faire appel aux enquêtes sociologiques qui montrent que les concepts les plus fondamentaux des sciences physiques et biologiques, comme ceux des géosciences, même ceux découverts il y a cent cinquante ans, demeurent incompris ou ignorés (b) de la majeure partie des habitants des pays les plus développés, des populations les plus instruites ? Quant aux problèmes et savoirs contemporains, voici un exemple pris dans une enquête réitérée chaque année (1). Elle révèle que près de la moitié de nos concitoyens se déclare convaincue de la gravité du problème climatique provoqué par l’effet de serre boosté par nos émissions… tout en se révélant incapable d’en nommer les facteurs principaux.

Plus de la moitié des sondés estime ainsi que les centrales nucléaires contribuent « beaucoup ou assez » à cet effet de serre, ce qui ne peut s’expliquer que par une incompréhension brutale du phénomène physique en cause.

Cette ignorance débouche nécessairement sur une difficulté majeure pour participer à la discussion démocratique et à toute décision sur ce sujet crucial, lesquelles supposent de comprendre comment nous produisons et émettons des gaz à effet de serre et quelles sont les technologies qui pourraient nous permettre d’en émettre moins.

Cette ignorance du savoir constitué est générale. En Californie, certaines maladies infantiles sont devenues un marqueur de richesse et d’éducation supérieure, liée au refus des vaccins chez les stars du cinéma et de la Silicon Valley. Et je vous fait grâce des mille anecdotes de ma vie de journaliste sur l’étendue de l’inculture scientifique des élites politiques, journalistiques et intellectuelles, encore que l’histoire de ce ministre en charge de la recherche qui demandait benoîtement à un responsable du CNES si les satellites passent au-dessus ou au-dessous des nuages fait frémir. Retenons tout de même cet épisode de la campagne présidentielle de 2007, lorsqu’une ancienne ministre de l’écologie et du développement durable (Mme Royal) et un ancien ministre de l’économie (Mr Sarkozy) ont rivalisé d’ignorances lorsqu’ils se sont opposés sur l’électro-nucléaire lors du débat télévisé pour le second tour.

Allons au plus radical comme démonstration. Que connaissent de la science les scientifiques eux-mêmes, et je parle des chercheurs pas des ingénieurs de l’industrie ? Ils connaissent, à fond la plupart du temps, leur coin de science. Et ont bien du mal avec le reste, immense. En voici deux témoignages issus du tout début de mon expérience professionnelle, vers le milieu des années 1980.

A l’époque, le mathématicien Jean-Pierre Kahane, récemment décédé, me dit – je cite en substance et de mémoire – «lorsque j’étais jeune, je pouvais lire l’essentiel de ce qui était produit dans les mathématiques, au moins celles qui m’intéressaient. Aujourd’hui – c’était donc il y a près de 30 ans – je peux à peine lire ce qui se publie dans ma sous-sous-discipline». Peu après, un physicien dont le frère a reçu le Prix Nobel me racontait une excursion dans une réunion du laboratoire voisin. On y faisait de la physique nucléaire, lui étant physicien des particules. Très intéressante, la réunion, me confie t-il, «mais à un moment, ils ont parlé technique, avec des maths, et là j’étais perdu». Ce jour-là, j’appris que les maths des particules ne sont pas celles du noyau… mais, surtout, que je devais vraiment faire très attention aux choix de mes “sources” dans les laboratoires. Ne pas demander à un spécialiste des poissons de me parler des baleines, à un astrophysicien de m’éclaircir les mystères des colloïdes. Ne pas compter sur un physicien nucléaire pour comprendre la tenue d’une enceinte en béton de centrale nucléaire ou la rupture des tubes d’un générateur de vapeur. Et, ne pas demander à un géophysicien spécialiste de paléomagnétisme de m’expliquer l’évolution du climat depuis 150 ans.

Le sociologue Edgar Morin exprimait cette idée à sa manière dans La Voie (Fayard, 2011): «Il nous faut dissiper l’illusion qui prétend que nous serions arrivés à la société de la connaissance. En fait, nous sommes parvenus à la société des connaissances séparées les unes des autres, séparation qui nous empêche de les relier pour concevoir les problèmes fondamentaux et globaux tant de nos vies personnelles que de nos destins collectifs.»

Au-delà de la méthode à suivre pour le journaliste débutant, cette perception brutale des limites du partage du savoir là où il se constitue, dans les laboratoires, contenait une leçon radicale. Ce n’est pas par le partage avec tous les citoyens des connaissances scientifiques, telles qu’elles sont produites, que l’on pourra prendre en démocratie les décisions liées à ces connaissances par les technologies qu’elles permettent.

Que faire ? Renoncer aux technologies pour tenter de conserver la démocratie ? C’est ce que proposent certains militants… à l’aide de textes écrits sur ordinateurs et diffusés par internet. C’est peu convaincant, surtout que l’époque de la science partageable était également celle de l’analphabétisme de masse, de mortalités infantile et maternelle effroyables, des mineurs de charbon armés de pics et de systèmes politiques dont le caractère démocratique et libre n’a rien d’évident. La solution semble pire que le mal. Mais elle peut s’appuyer sur l’attitude désormais la plus répandue dans la population européenne : considérer que les sciences et les technologies font «autant de mal que de bien», une véritable rupture au regard des opinions des années 1950 ou 1960.

Reste donc la voie difficile consistant à adapter nos systèmes et nos pratiques politiques à cet écart infranchissable entre savoirs et individus, alors que le principe même de la démocratie réside non seulement dans le respect du pouvoir souverain du peuple, exercé collectivement par le choix des programmes et des dirigeants lors des élections ou des consultations, mais surtout sur l’idée que ce choix collectif ne fait qu’agréger les choix individuels selon le principe : un citoyen, un vote.

Procédons par une question d’évidence. Puisque le savoir disponible n’est pas partageable par tous, comment se fait-il qu’il soit pourtant utilisé aussi massivement, par les pouvoirs publics et économiques ? Ces derniers sont pourtant constitués d’êtres humains normaux, pas plus capables que les scientifiques de tout savoir. Pensons à ces Présidents de la République ou ces ministres, mais aussi à ces dirigeants d’entreprises, qui ont pris des décisions quant à l’usage de technologies puissantes, capables de rendre de grands services mais également de représenter de grands risques. Mais songeons également à ces ministres de la santé qui prennent des décisions de santé publique majeures, comme les campagnes de vaccination ou de conseils nutritionnels. Comment font-ils ? Ils s’appuient sur des capacités d’expertise toujours, ou la plupart du temps, collectives, issues souvent de corps – scientifiques ou administratifs – organisés dans la durée pour fournir à temps les éléments de savoirs, organisés en fonction de la question politique posée : quelle politique énergétique, de santé, d’aménagement du territoire, de transport, d’urbanisme… conduire ?

Un jour, le Président Georges Pompidou et le premier ministre Pierre Messmer, un autre jour Valéry Giscard d’Estaing et Raymond Barre, un autre encore François Mitterrand et Pierre Mauroy ont décidé de bâtir un socle nucléaire à notre système électrique. Comment ont-il pris cette décision ? En faisant confiance à l’expert collectif qu’ils avaient chargé d’instruire le dossier à la suite de la crise pétrolière de 1973. Cet expert collectif – services du ministère de l’industrie, l’entreprise publique EDF, le CEA, et une commission ad-hoc (2) – avait été mis à la question. Il a répondu. Et la décision fut, in fine, du niveau politique m’a un jour assuré Pierre Messmer. Fut-elle démocratique ? Oui, puisque ces présidents ont été élus et que ces premiers ministres gouvernaient avec la confiance d’une majorité de parlementaires élus. Fut-elle partagée par la Nation ? C’est moins certain, les responsables politiques ayant rapidement délégué le soin de discuter avec les citoyens de la justesse de la décision à l’entreprise qui la mettait en œuvre. Un péché originel aux conséquences de longue durée.

Mais ce mode de décision, où l’expertise provient de systèmes sous un contrôle direct du pouvoir politique et où le conseil à la société est délivré uniquement à ce même pouvoir politique trouve nécessairement ses limites. Tant pour la constitution de cette expertise que pour la vie démocratique de la Nation.

La fiabilité de l’expertise ainsi réunie repose sur des modalités trop fragiles, peu résilientes à la pression politique ou aux effets de groupe pour garantir sa robustesse.

Dans l’affaire de l’amiante, l’exemple est celui de l’incapacité des hauts fonctionnaires du ministère de la Santé à prévenir le pouvoir politique de la manipulation des esprits organisée par les industriels. Voire leur complicité, puisque l’on a appris, à ma stupéfaction, que la défense de Martine Aubry lors de sa mise en cause consistait à dire que ces hauts fonctionnaires ne l’avaient pas informée de leur participation au fameux « Comité amiante » (3) mis en place par l’industrie en 1983. A la même époque, alors que le savoir épidémiologique et médical est disponible, l’Inserm, de son côté, ne l’a pas encore transformé en expertise collective adressée au pouvoir politique – cela ne serait fait qu’en 1997 – lequel, dans un premier temps, a de surcroît tenté d’étouffer ce rapport, sous l’impulsion de Claude Allègre. Le prix à payer pour ce défaut d’expertise, alors que le savoir était là, est très lourd, et singulièrement concentré sur les ouvriers de l’industrie et du bâtiment utilisant l’amiante. L’incapacité de notre système judiciaire à sanctionner le retard pris par les responsables patronaux et politiques à prendre en compte un savoir existant alertant contre les dangers de l’amiante ne fait qu’accroître le scandale. Mais ce dernier pose la question suivante : pourquoi le savoir académique existant n’a t-il été transformé que bien trop tard en expertise claire, adressée aux pouvoirs publics et à la société, ce qui aurait permis d’épargner des vies ?

Dans ces conditions, et alors que la plupart de nos problèmes économiques, sociaux et écologiques réclament beaucoup de sciences et de technologies pour être affrontés, la question de la constitution d’expertises fiables, puis transmises et acceptées par la société comme base de discussion pour ses décisions, est cruciale.

La constitution de l’expertise repose d’abord sur la disponibilité du savoir. Lorsqu’un système naturel ou ses interactions avec une question humaine – de santé, de production, d’éthique – sont peu ou mal connus, l’expertise ne peut surgir du néant. Lorsque les nanomatériaux sont sortis des laboratoires, un rapport de la Royal Society établissait la liste très longue des inconnues quant à leurs rôles éventuel en biologie, et donc les risques sanitaires tout aussi inconnus liés à leur usage massif. En ce cas, la prudence, la nécessité de recherches, souvent à caractère fondamental, à conduire afin de pouvoir recommander aux pouvoirs publics des normes d’exposition des travailleurs ou du public, doivent être pleinement reconnues et opposées à la tentation de mettre trop rapidement sur le marché des produits nouveaux. À l’inverse, il faut ne pas empêcher l’utilisation de nouvelles technologies qui règlent des problèmes anciens que l’on négligerait au prétexte de risques éventuels qu’elle recèleraient.

Parmi les mauvais exemples des années récentes, relevons l’usage d’insecticides néonicotinoïdes sous la forme d’enrobage de semences. L’argument principal était que cette formulation allait permettre de concentrer les molécules actives dans les plantes à protéger et ainsi de diminuer la pollution de l’environnement par ces dernières. Or, cet argument n’avait pas été vérifié avec le soin nécessaire. Et les dégâts de ces insecticides, aujourd’hui évidents, massifs et documentés, sont pour l’essentiel provoqués par leur dissémination dans les sols et les eaux, à partir de ces enrobages qui n’avaient pas la capacité de confinement annoncé.

L’existence d’une recherche publique, indépendante des industriels, correctement financée et incitée à se préoccuper de ce type de questions est donc une des conditions sine qua non d’une expertise des avantages et des risques des technologies existantes ou en développement. À cet égard, il faut noter que les nouveaux systèmes de financement des laboratoires publics et les discours sur l’excellence ne sont pas favorables à ce type de recherches. Il faut noter également qu’à côté d’une recherche de type cognitif et universitaire, dirigée par la curiosité et le mouvement des connaissances, des organismes de recherche finalisées et des agences de financement – pour reprendre l’exemple de l’agriculture, l’INRA et l’ANSES, pour celui du nucléaire l’IRSN – doivent disposer de moyens conséquents et d’une mission à cet égard. Faute de quoi on risque de se retrouver devant des « trous » de connaissances, comme celui de la recherche en toxicologie.

Ce savoir, même s’il est disponible, ne se transforme pas spontanément en expertise. Cette dernière est toujours issue d’un questionnement sur les avantages et les risques.

Ce questionnement peut surgir d’une réflexion interne du milieu scientifique, inquiet ou enthousiaste devant les développements possibles d’applications. Il peut surgir d’interrogations des gouvernants et des décideurs. Ou de citoyens organisés en associations, la plupart du temps en réaction à l’appréhension devant un risque pour la santé ou l’environnement.

La formulation même de la demande n’a rien d’évident, et peut conduire à mal poser le problème à étudier. On le voit lorsque l’IRSN et l’INSERM conduisent une expertise sur l’effet des très faibles doses sur la santé publique en réalisant ce travail, à la demande d’associations, autour des installations nucléaires en premier lieu. Une reformulation scientifiquement correcte de la demande aurait conduit à démarrer cette étude par la cartographie des expositions aux très faibles doses à l’échelle du pays, dont la principale cause est liée au radon. L’un des auteurs de l’expertise m’a confirmé que cela eut été la bonne démarche au plan scientifique… mais qu’il n’y avait pas d’argent pour une telle étude.

Mais on le voit surtout lorsque les volets économiques, sociaux ou éthiques sont absents ou biaisés dans la commande initiale. L’affaire des brevets sur le vivant (y compris des gènes humains de susceptibilité à certains cancers) ou le dossier des plantes transgéniques pour l’agriculture l’ont montré. Une mauvaise expertise, c’est aussi celle qui ne laisse aucun choix au pouvoir politique et à la société que de lui obéir ou de la rejeter en bloc, parce qu’elle n’a pas exploré l’éventail des possibles, mais seulement l’un d’entre eux, toujours fixé au départ par le commanditaire.

Ce travers conduit à dénoncer le risque du «gouvernement» des experts, autrement dit et plus exactement à nier l’existence de choix politiques différents, parce que reposant non sur la négation d’un savoir mais sur des valeurs sociales, économiques ou éthiques différentes. Nous n’avons pas tous la même réponse à la question « comment voulons-nous vivre ? », nous rappellent sans cesse les sciences sociales et humaines. Une manière polie de souligner que nous vivons toujours dans des sociétés de classes sociales aux intérêts économiques qui peuvent diverger et s’opposer.

Cette demande une fois exprimée, il faut y répondre. Et c’est là que des difficultés apparaissent. Qui va nommer les experts ? Constitueront-ils un groupe fiable, honnête, compétent, capable de déjouer les pressions et représentatif des différents points de vues ? Comment les experts vont-ils travailler ? La première question est cruciale. Hors du cas d’organismes scientifiques prenant l’initiative de mettre sur pieds de telles expertises – et dont le défaut réside souvent dans l’étroitesse de la question posée -, c’est bien le pouvoir politique qui est à l’origine des Agences sanitaires, qui nomme les dirigeants de l’IRSN, de l’ANSES, de l’Agence nationale de sécurité du médicament … et les dote en financement.

Certes, ce pouvoir ne va pas s’exercer directement, dans le détail, jusqu’à chaque membre d’un comité d’experts. Mais la qualité des personnes nommées et la clarté de leur mission sont décisives. Leur capacité à couper le lien avec le pouvoir politique qui les a nommé pour constituer des équipes libres, compétentes et pluralistes, détermine le succès ou l’échec de tout le système. Malgré les progrès réalisés depuis 20 ans – songeons aux décisions prises sur la base de l’avis de quelques conseillers membres de cabinets ministériels au milieu des années 1980 sur le sang contaminé – nous sommes encore loin du compte. Ce qui s’est récemment passé dans le système d’expertise de l’Union Européenne sur les perturbateurs endocriniens, avec une intervention massive mais secrète des industriels pour manipuler tout le processus d’évaluation le montre clairement.

Les Monsanto papers ont également démontré comment une entreprise peut mettre sa puissance financière à profit pour biaiser la production scientifique elle-même, voire acheter des consciences et ainsi obtenir des comportements frauduleux de scientifiques dont la réputation leur donne un poids important dans les processus d’expertise des risques au service des gouvernements.

Les enquêtes montrent que la suspicion des citoyens vis à vis de l’expertise d’organismes publics est directement liée à la conviction qu’elle n’est pas indépendante, ni du pouvoir politique ni des pouvoirs économiques et financiers. Paradoxalement, les citoyens font ainsi plus confiance à des individus isolés qui leur apparaissent comme des chevaliers blancs qu’à un groupe d’experts constitué en tant que tel par un processus officiel. Pour savoir si le syndrome de l’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques est bien provoqué par ces dernières ou constitue une maladie psychosomatique, le citoyen – renforcé d’ailleurs par une décision de justice récente – fait plus confiance à un seul médecin, Mr Belpomme, qu’aux nombreuses études à travers le monde montrant qu’aucun patient n’a pu détecter de manière claire s’il était ou non soumis à des ondes électro-magnétiques lors d’expériences réalisées en double aveugle.

Mais l’efficacité de l’expertise n’exige pas seulement sa robustesse scientifique, son indépendance, son adéquation à la demande…, il faut qu’elle soit entendue, non seulement du pouvoir mais aussi de la société. Or, et c’est là un point clé, sa transmission à la société passe nécessairement par des intermédiaires. Combien de citoyens peuvent lire une expertise collective de l’Inserm, un rapport du GIEC ou de l’IRSN ? Cette transmission emprunte donc des voies qui sont celles de l’éducation, de la presse… mais surtout celle de la parole du pouvoir politique. Une parole qui n’est écoutée sur ce point précis qu’en fonction de la confiance générale qu’elle attire.

Dès lors que cette confiance du peuple n’est plus en ses dirigeants – même élus, quoique de plus en plus mal élus, songeons que nombre de nos maires, dans les villes les plus populaires, ne le sont que par moins de 10% des habitants en âge de voter – le discrédit s’étend à toute expertise, vécue comme un simple habillage de décisions politiques prises pour des raisons autres. Les sociologues l’ont abondamment montré, la confiance envers les corps techniques et scientifiques de l’État est directement indexée sur celle mise dans les pouvoirs politiques et donc les gouvernants eux-mêmes.

En outre, l’expérience populaire retient avec vigueur ce qu’elle a perçu, à tort ou à raison, des défaillances ou des mensonges. “Ils” – un « ils » souvent peu clair – nous ont menti sur l’amiante, sur le tabac, sur le sang contaminé au virus du Sida, sur les bienfaits de la technologie pour l’emploi, sur les risques du nucléaire… pourquoi nous diraient-ils la vérité maintenant sur les plantes transgéniques ou les nanotechnologies ? L’ignorance massive se mêle à ce sentiment diffus, ainsi qu’une perception des échelles de risques qui n’a absolument aucun rapport avec une mesure où seuls compteraient le nombre des victimes ou la gravité des blessures. Le baromètre annuel de l’IRSN le montre selon lequel, pour une nette majorité de Français, l’accident nucléaire de Fukushima est beaucoup plus effrayant que celui de Tchernobyl, dont les victimes sont pourtant bien plus nombreuses. Quant au nuage de Tchernobyl il détient toujours, à tort, la palme du mensonge d’État dans l’esprit de nos concitoyens. Ainsi, le dernier baromètre de l’IRSN nous apprend que 76% des Français considèrent qu’on leur ment sur les retombées radioactives de Tchernobyl, un chiffre sans évolution depuis 15 ans, alors que l’effort de transparence de l’IRSN sur ce sujet est remarquable.

Toutefois, le pire survient lorsque la parole politique discrédite une expertise correctement conduite, parce que ses conclusions ne lui conviennent pas. Le comble de la confusion serait ces dirigeants du Parti Républicain des États-Unis, parfois Présidents comme Georges W. Bush, puisque les gouvernements qu’ils soutiennent signent les résumés pour décideurs du Giec, puis en renient le contenu devant leurs électeurs. Mais le gouvernement français peut lui aussi donner le mauvais exemple, comme dans l’affaire Séralini (4), où, au lieu d’attendre que ses agences d’expertise aient fait leur travail d’analyse des résultats de la recherche, il prend des décisions sans attendre, et tend ainsi à discréditer le système d’expertise publique qu’il a lui même mis en place. Or, seule l’acceptation des expertises correctement réalisées permet de critiquer les mauvaises afin d’améliorer le système qui les produit.

Il existe un autre cas de figure regrettable, celui qui voit des scientifiques récuser un travail d’expertise correctement conduit, et le discréditer auprès des citoyens. Le cas du GIEC et des négateurs du climat est bien connu. Mais il faut souligner la faute éthique et déontologique ainsi commise, surtout lorsqu’elle rencontre la faveur médiatique et contribue fortement à troubler le débat public.

La question traitée ici interroge avec rudesse les militants anticapitalistes, les forces communistes et celles qui se sont regroupées dans d’autres formations politiques, comme les «Insoumis». Leurs réflexions et propositions sur le fonctionnement des agences publiques d’expertise ne sont pas toujours ce qu’elles devraient être.

Or, c’est d’abord là que l’on attend les responsables politiques. Un député ne peut être un expert toutes sciences, de la physique nucléaire ou des biotechnologies. En revanche il doit être un expert des lois organisant l’expertise publique ou le contrôle des activités à risques et proposer leur amélioration chaque fois que nécessaire. Il doit veiller au contrôle des décisions gouvernementales quant à leur financement et à la nomination des dirigeants sur lesquels il doit avoir un avis justifié. Agir pour que la recherche publique dispose des moyens et de missions permettant qu’elle fournisse les experts compétents et indépendants des puissances financières et économiques dont les agences ont besoin.

Le peu d’appétit des élus de la gauche de transformation sociale pour les dossiers techniques, comme ceux traités par l’Office parlementaire pour l’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), ne plaide pas pour leur volonté de construire une alternative politique véritable, donc apte à la gestion de l’État et du pays. Incarner une alternative crédible – l’un des principaux déficits actuels de la gauche dite radicale – suppose une posture gramscienne (rechercher « l’hégémonie ») montrant la volonté et la capacité à exercer le pouvoir politique pour l’intérêt général défini contre celui de la classe dominante des propriétaires de grands moyens de production et d’échange. Sur ce terrain de l’expertise publique des risques et avantages des technologies, l’abstention n’est pas une option. Et la critique de ses dysfonctionnements éventuels ne peut être crédible que si elle s’accompagne d’un soutien franc – à ses conclusions et à ses dirigeants et experts – lorsqu’elle fonctionne correctement. Cela suppose la connaissance de ces agences, des personnes qui les dirigent, des avis, recommandations ou décisions qu’elles publient.

Par ailleurs, l’analyse des discours que les forces anticapitalistes émettent sur les technologies, l’énergie, l’environnement, la santé publique, l’usage des ressources naturelles et l’industrie laissent penser qu’elles sont souvent à la recherche d’un slogan susceptible d’être populaire plus qu’à la construction d’une alternative politique efficace car fondée sur le réel. Cet écart peut se lire même dans les proclamations les plus «démocratiques» en apparence, lorsqu’il est dit, avec raison, que les problèmes sociaux ne peuvent être résolu que par la participation du plus grand nombre. La proclamation ne fait pas de doute si l’on peut et l’on doit décider tous ensemble du degré d’inégalité économique que l’on accepte ou pas dans notre société, et trancher par un vote populaire le désaccord probable.

En revanche, tenter de régler par le même processus, de démocratie directe, un choix technologique dont les fondements scientifiques et les conséquences de son utilisation demeurent obscures à la plupart des citoyens relève plutôt d’un «basisme» peu courageux et générateur de déboires futurs.

C’est par le perfectionnement de la démocratie représentative, utilisant à plein les ressources des expertises publiques possibles, que l’on peut espérer prendre de bonnes décisions dans ces domaines.

Un autre exemple surgit, lorsque Jean-Luc Mélenchon passe, de la présidentielle de 2012 à celle de 2017, d’une vision simpliste du système électrique à l’autre (du tout géothermique au tout éolien), où évoque une «planification écologique» voire une «règle verte», dont le contenu ne dépasse pas l’affichage de bonnes intentions. L’effet pervers de toute vision simpliste peut se lire dans la mobilisation citoyenne en Europe sur les herbicides au glyphosate. Alors même que la transformation de nos pratiques agricoles pour en bannir durablement l’usage massif d’herbicides est une cause nécessaire, la polarisation organisée par des ONG sur les seuls herbicides au glyphosate et la mise en avant d’une exigence d’interdiction rapide pourrait aboutir à un usage plus massif d’autres herbicides dont le profil éco-toxicologique est… bien pire. Pourtant, là aussi, l’expertise publique, celle de l’INRA a déjà montré comment cultiver sans ou avec très peu d’herbicides… mais également indiqué l’ampleur des transformations économiques et sociales indispensables à un tel changement technique (5).

Bâtir une alternative politique suppose de savoir ce que l’on attend des technologies comme moyen de l’émancipation humaine et donc de comprendre leurs avantages et leurs risques afin d’opérer en connaissance de ces derniers les choix parmi les possibles techniques et de ressources naturelles, en fonction des objectifs socio-économiques que l’on poursuit. Il y a là un chantier nécessaire dans le combat pour opposer à la perpétuation des dominations capitalistes l’espoir d’une autre organisation sociale.

Sylvestre Huet

Article paru dans le n°396 de La Pensée, dans le dossier « Aux sciences, citoyens ! » reproduit ici avec l’aimable autorisation de la revue.

(a) http://enccre.academie-sciences.fr/encyclopedie/

(b) Voir l’ancienne mais toujours valable enquête développée dans Sciences, les Français sont-ils nuls ? Sylvestre Huet et Jean-Paul Jouary, Jonas éditeur, 1989 ISBN-10:2907145253.

(1) Enquête annuelle de l’Ademe sur les représentations sociales de l’effet de serre et du réchauffement climatique, analyse de Daniel Boy (Cevipof). http://www.ademe.fr/representations-sociales-leffet-serre-rechauffement-climatique .

(2) La Commission Peon (production d’électricité d’origine nucléaire), https://fr.wikipedia.org/wiki/Commission_PEON

(3) Le fameux « Comité permanent amiante » mis en place avec un financement 100% privé, par les industriels qui s’étaient appuyé sur un ancien militant communiste, Marcel Valtat (1923-1993, il quitta le PCF en 1947) pour créer en 1983 une structure informelle regroupant industriels, certains syndicats, et des médecins afin d’agir en lobby au près des pouvoirs publics. Mais il n’a pu être efficace qu’en raison de l’appui d’un directeur général de l’INRS (Institut national de recherche de sécurité) et du refus explicite ou de l’incapacité des pouvoirs politiques à se doter d’une expertise publique officielle sur le sujet.. puisqu’il fallut attendre 1997 pour que l’Inserm soit mandatée pour une telle expertise. Voir http://www.sante-publique.org/amiante/cpa/cpa.htm

(4) Pour le détail de cette affaire, sur l’effet sanitaire de l’herbicide Round Up et du maïs transgénique modifié pour résister au glyphosate dans une expérience sur des rats, marquée par une publication scientifique retirée par la suite et une vaste opération de relations publiques voir : http://huet.blog.lemonde.fr/2018/12/11/ogm-poisons-la-vraie-fin-de-laffaire-seralini/ et http://sciences.blogs.liberation.fr/2013/12/02/ogm-larticle-de-g-e-seralini-retracte/

(5) Pour une analyse de ce sujet voir : http://huet.blog.lemonde.fr/2017/09/26/glyphosate-reflexions-pre-interdiction/

2. Exemple de Grande-Synthe (à côté de Dunkerque) : ville participative (d’environ 22 000 habitants)

Construire un nouveau mode de vie basé sur la ville durable nécessite un équilibre démocratique de la même intensité. Il faut en effet donner l’envie, et les moyens, d’impliquer les habitants dans cette dynamique de terrain enthousiasmante pour faire de leur ville une ville participative.

Le Conseil municipal est certes le rouage central de cette organisation, comme lorsqu’en décembre 2011, il a voté l’entrée de la ville en transition. Pour faire émerger un nouvel engagement citoyen à une époque ou le « consommateur » – de produits ou de services – est flatté par le système commercial dominant, la ville multiplie les instances, les rendez-vous pour engendrer du débat, de la discussion, de la contradiction mais aussi des actions, des projets, des résultats, du concret pour rebooster la citoyenneté.

Participer commence par l’implication dans ce qui se passe dans sa rue, dans son quartier, par les points-rencontres ou le budget participatif jusqu’à s’investir dans le monde associatif, etc…

Fondamentalement, cela passe aussi par le respect des citoyens en les informant des enquêtes publiques en cours et les risques environnementaux qui peuvent subvenir, la Ville étant entourée de 14 sites Seveso.

Voir avec le Service Politique de la ville Christelle DEVROE Tél.: 03 28 23 65 96 Horaires Mairie

Exemples d’instances participatives développées à Grande-Synthe :

1- Le Conseil Citoyen

La ville de Grande-Synthe ayant sur son territoire un quartier prioritaire au titre de la politique de la ville de ce fait, elle est dans l’obligation légale (loi du 21 février 2014) de mettre en place un Conseil Citoyen, l’objectif étant de permettre une meilleure correspondance des projets réalisés aux réalités de terrain. Le Conseil Citoyen se réunit pour : • s’exprimer, faire des propositions pour le quartier à partir des besoins des habitants • Proposer des initiatives, des projets… • Avoir une place dans les instances de décision de la politique de la ville

Le conseil citoyen est composé de 25 membres issus de 2 collèges :

  1. Un collège habitants composé de 18 habitants issus du quartier prioritaire politique de la ville
  2. Un collège associations/acteurs locaux composé de 7 représentants d’associations issues et/ou œuvrant sur le quartier prioritaire politique de la ville. Le Conseil Citoyen est porté par la Régie de Quartier. Il a été constitué le 30 mars 2016, la réunion d’installation a eu lieu le 19 mai 2016. Il a été labellisé par l’État le 29 juin 2016.

Durant l’année 2017, le Conseil Citoyens s’est réuni en moyenne toutes les 4 à 6 semaines afin : d’établir le règlement du Conseil Citoyens, de se former/s’informer sur la Politique de la ville, d’organiser un café citoyens…

Perspectives 2018: • Le Conseil Citoyens pourra émettre un avis sur les dossiers ayant trait au Contrat de Ville • Participation du Conseil Citoyens aux instances qui concernent la TFPB (taxe foncière sur les propriétés bâties) • Organisation de temps pour favoriser la rencontre avec le public issu des quartiers en Politique de la Ville. • Portage de projets.

2- Le Conseil municipal des jeunes

Aux yeux des élus « grands », l’intérêt que l’on porte à ses concitoyens, à son quartier, à sa ville est une valeur qui s’apprend dès le plus jeune âge, aussi la municipalité a –t-elle décidé, en 2015, de créer un Conseil municipal Jeune pour former des citoyens acteurs plutôt que des consommateurs passifs.

Vivre la démocratie, ça s’apprend tôt!

Le Conseil Municipal des jeunes est un espace d’expression et d’écoute de la jeunesse. Il offre aux jeunes la possibilité de s’impliquer dans la vie de la collectivité. Il permet aux jeunes élus de :

• S’initier à la citoyenneté et à la démocratie • Donner son avis sur différents sujets • Elaborer et mener des projets et des actions

Le CMJ est composé de 32 élus issus de l’ensemble des collèges de la ville. Les premiers ont été élus en octobre 2015 pour un mandat de 2 ans. Les jeunes élus sont les porte-parole des jeunes et mettent en place des actions en adéquation avec les besoins des jeunes.

Une nouvelle équipe a été élue en fin de mois d’octobre 2017.

La première rencontre du deuxième CMJ élu a eu lieu le mardi 30 octobre 2017 à l’Atrium, les nouveaux élus ont pu faire connaissance et travailler sur des notions telles que la citoyenneté, le rôle du Maire et de son Conseil Municipal ainsi que sur la définition ensemble des thématiques sur lesquelles ils souhaitent travailler qui sont en l’occurence : la culture, l’écologie, le développement durable et des projets en lien avec l’Unicef

3- Le Conseil des Sages

Le conseil des sages a été mis en place en 1994. Il compte 35 membres de 60 ans et plus, élus par les aînés de la Ville pour 6 ans afin de donner des avis sur les projets et les dossiers élaborés par la commune.

L’un des objectifs du Conseil des Sages est d’être attentif à tout ce que la Municipalité organise à Grande-Synthe et d’y participer au maximum de ses possibilités dans un esprit de conseil bénévole, indépendant et moralement responsable. Relais entre la population âgée et la municipalité, le Conseil de Sages s’emploie à agir pour le quotidien de nos concitoyens tant sur le plan matériel que dans le domaine social et humain.

L’Association des Sages œuvre à animer des actions intergénérationnelles comme l’aide aux devoirs aux collèges et des activités manuelles et de la lecture expliquée dans les écoles maternelles. Ses membres et adhérents œuvrent aussi à participer à l’occupation de personnes âgées, en particulier à Zélie-Quenton, avec la coiffure et le chant.

Le Conseil des Sages siège aux conseils d’administration d’associations para-municipales comme la Régie de Quartiers, le Centre de Santé, l’A.S.T.V., l’Office de Tourisme et participe également au Comité de Gestion du Fonds de Participation des Habitants (FPH).

4- Le Conseil local de la vie associative (CLVA)

Ce tout nouveau conseil (créé en mars 2016), composé d’un volontaire (et un suppléant) de quinze associations de la ville, se réunit une fois par trimestre. Il a pour objet de promouvoir et faire se développer la vie associative. Les pistes ne manquent pas !

Ce lieu de débat, d’échange, de construction collective doit faire des propositions pour mener des projets communs et ainsi de promouvoir les associations grand-synthoises et leurs actions.

Il peut donc monter et valider des projets collectifs et inter-associatifs ainsi qu’avoir un rôle de conseil et d’orientation auprès des nouvelles associations et animer la vie locale en lien étroit avec le service « Vie associative ».

5- Les points rencontres

Ils se veulent à l’écoute des habitants.

Ils sont organisés à l’avance avec un calendrier d’un an et des lieux déterminés à l’avance.

Si des questions, des suggestions, liées à l’aménagement de la ville, au bruit, à la sécurité trottent dans la tête des habitants, les Points Rencontres sont faits pour cela !

Sous la forme d’un diagnostic, les points rencontres permettent de relever les éventuels dysfonctionnements urbains qui peuvent nuire au bon cadre de vie des habitants. Ainsi, tous les deux mois (à Grande-Synthe) dans chaque quartier, le service politique de la ville (mission vie de quartier), l’agent de développement du quartier, l’agent d’accueil de la maison de quartier, la police municipale, les services techniques (espace public et nature, énergie réseaux, bâtiment), la régie de quartier, les bailleurs se réunissent pour ces points rencontres.

Le but est de trouver des solutions de terrain au plus près des habitants.

Comme rien ne vaut le vécu, en tant qu’habitants, chacun peut se joindre à cette équipe de professionnels avec lesquels on se rend sur le terrain pour exposer la problématique liée au cadre de vie afin de déclencher une réflexion permettant de convenir ensemble d’une amélioration…

3. Le paradoxe de l’éolien : une énergie renouvelable à développer ?


4. Anticiper l’effondrement énergétique ? Interview de Jean-Marc Jancovici dont les principaux points sont repris ci-dessous

Que faudrait-il faire pour que les politiques veuillent bien débattre au sein de nos démocraties et avec nous de la crise énergétique et de ses conséquences sur la crise économique, l’emploi et sur le climat ?

En effet, la crise énergétique (on arrive à un pic de production d’énergie au niveau mondial) entraîne et entraînera davantage encore la crise économique dans les pays dits riches et très bientôt dans tous les pays du monde, puisque la croissance est intimement lié à la consommation d’énergie. Sans compter la poursuite inexorable des émissions de gaz à effet de serre malgré toutes les COP et qui est partie pour nous amener à une croissance des températures moyennes de 5 à 7 degrés d’ici la fin du présent siècle, ce qui équivaut au passage de l’ère glacière au climat tempéré que nous avons notamment connu en Europe il y a dix mille ans, donc immanquablement dans le mur avec un risque grandissant d’une exctinction pure et simple de l’espèce humaine elle-même…

Ce pic de production d’énergie étant très proche au niveau mondial, nous allons buter sur une impossibilité physique d’organiser rapidement la continuation d’une croissance énergétique et donc nous allons au devant d’un effondrement économique encore accru par le réchauffement climatique du fait des émissions de gaz à effet de serre. Nous allons donc avoir mécaniquement une crise économique sans précédent avec un retournement généralisé de l’emploi, (ndlr, sans compter le développement de nouvelles pandémies du fait notamment de la fonte du permafrost sibérien et de la libération de virus inconnus, actuellement congelés) augmenté en France par la fermeure des centrales nucléaires (malheureusemnt ni les énergies renouvelables ne peuvent prendre le relais, ni nous n’avons assez d’argent pour investir notamment dans ces énergies). Les populations le sentent bien mais ne sont pas encore prêtes à renoncer à leurs conforts individuels… Pourtant, cette remise en cause est inéluctable et nous allons devoir apprendre à vivre dans un environnement en décroissance économique qui va nous pousser à remettre en question le système actuel…

Or, nos gouvernants n’en n’ont pas conscience et ne nous y préparent aucunement…

S’agissant de l’électricité d’origine nucléaire, apparemment, les risques et inconvénients seraient moindres que les avantages, même si cette conclusion nous apparaît iconoclaste et ébouriffante… Les arguments sont absolument à écouter ou à lire, notammment ceux exposés dans les rapports du Comité scientifique des Nations Unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants, pendant du groupe du GIEC sur le climat…

Dans ces conditions, comment réopndre à titre individuel, à ces évolutions inéluctables : probablement par le développement des réseaux (entraide) et de la solidarité comme l’expose Pablo Servigne dans son livre…

Au total, pour Jean-Marc Jancovici, il est absolument essentiel pour les jeunes de bien comprendre la situation générale dans laquelle nous nous trouvons (notamment en passant l’étape des médias et en évitant de rentrer dans les théories du complot) pour être en mesure ensuite de faire les bons choix au niveau individuel…

On retrouvera ci-dessous la vidéo complète de l’interview :


5. Equation de Kaya

On trouvera en cliquant sur le présent lien la présentation de l’équation de Kaya par Jean-Marc Jancovici

6. Méli Mélo de citations de quelques grands hommes et autres personnalités relatives à la démocratie

La démocratie, c’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. Abraham Lincoln, président abolitionniste de l’esclavage aux Etats Unis d’Amérique

La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. Albert Camus, écrivain français

La démocratie est la dictature de l’ignorance. Platon, philosophe antique grec

Une démocratie doit être une fraternité ; sinon c’est une imposture. Antoine de Saint-Exupéry, écrivain français

La démocratie est le pire de tous les systèmes à l’exception de tous les autres. Winston Churchill, premier misitre anglais durant la guerre mondiale de 39/45

Encore une fois, il faut rappeler la nécessité impérieuse de protéger la fleur tunisienne. Ce pays peut être le symbole du mariage réussi entre islam et démocratie. Beaucoup d’espoirs reposent sur ses épaules encore fragiles. Encourageons pour cela la séparation nette entre religion et politique. Cette connexion est pernicieuse. La gestion des affaires de la cité n’a rien à voir avec le spirituel. Le salut passera par là. C’est un chemin de crête à imaginer. Tous les enfants de Tunisie, où qu’ils soient, doivent garder en tête cet impératif. Il en va de notre avenir à tous. Sonia Mabrouk, écrivaine tunisienne

Mais si l’on étouffe la vie politique dans tout le pays, la paralysie gagne oblgatoirement la vie dans les soviets. Sans élections générales, sans une liberté de presse et de réunion illimitée, sans une lutte d’opinion libre, la vie s’étiole dans toutes les institutions publiques, végète, et la bureaucratie demeure le seul élément actif. […]. Lénine-Trotski se prononcent en revanche pour la dictature en opposition à la démocratie, et ainsi pour la dictature d’une poignée de gens, c’est-à-dire une dictature sur le modèle bourgeois. Rosa Luxembourg, révolutionnaire allemande

La presse fait son métier, elle est un miroir, un amplificateur. Nous sommes passés d’une démocratie représentative à une démocratie d’opinion, puis d’émotion. Toute émotion, bonne ou mauvaise, est un déclencheur de réactions. Anne Sinclair, journaliste française

La démocratie ne requiert pas l’uniformité. Nos fondateurs se sont querellés et ont fait des compromis et se sont attendus à ce que nous fassions de même. Mais ils savaient que la démocratie avait besoin d’un sens de la solidarité. Barack Obama, premier président noir des Etats Unis d’Amérique

La tyrannie ne surgit et ne s’instaure dans aucun autre régime politique que la démocratie : c’est de l’extrême liberté que sort la servitude la plus totale et la plus rude. Platon, philosophe antique grec

L’amour de la démocratie est encore l’amour de la frugalité. Chacun devant avoir le même bonheur et les mêmes avantages, et doit goûter les mêmes plaisirs et former les mêmes espérances ; chose qu’on ne peut attendre que de la frugalité générale. Montesquieu, philosophe français, inventeur, avec John Locke, de la séparation des pouvoirs

Il n’y a pas que des salauds au gouvernement, il y a aussi des incompétents. *Guy Bedos, humoriste français°

La dictature, c’est « ferme ta gueule » et la démocratie c’est « cause toujours » Coluche, humoriste français ou Jean-Louis Barrault, comédien acteur français

La démocratie, d’après l’idée que je m’en fais, devrait assurer au plus faible les mêmes opportunités qu’au plus fort. Seule la non violence peut aboutir à ce but. Mahatma Gandhi marcheur non violent indien pour l’indépendance de l’Inde

Mon idéal politique est l’idéal démocratique. Chacun doit être respecté en tant que personne, et personne ne doit être divinisé. Albert Einstein, allemand, puis américano suisse, auteur de la théorie de la relativité restreinte puis de la relativité générale

La grande chose de la démocratie, c’est la solidarité. Victor Hugo, opposant à Napoléon III et célèbre écrivain fançais

Utiliser contre les terroristes la peine de mort, c’est, pour une démocratie, faire siennes les valeurs de ces derniers. Robert Badinter, ministre de la justice de François Mitterrand

Il devrait y avoir en toute constitution un centre de résistance contre le pouvoir prédominant, et, par conséquent, dans une constitution démocratique, un moyen de résistance contre la démocratie. John Stuart Mill, fils du célèbre économiste et philosophe de son état

La démocratie, c’est beaucoup plus que la pratique des élections et le gouvernement de la majorité : c’est un type de mœurs, de vertu, de scrupule, de sens civique, de respect de l’adversaire ; c’est un code moral. Pierre Mendès-France, ancien président du conseil de la 4ème république ayant mis fin à l’implication des français dans la guerre du Vietnam

Démocratie, ça veut dire gouvernement par la discussion, mais ça n’est efficace que si vous pouvez couper la parole aux gens. Clement Attlee, premier ministre anglais au sortir de la guerre de 39/45

Voitures, argent, bling-bling, smartphones… c’est ça maintenant la liberté ! Comment se transforme-t-on en démocratie ? Comment explique-t-on que la démocratie ce n’est pas la propriété et la consommation ostentatoire mais la liberté, la liberté d’expression, d’association ? Johnny Clegg, artiste chanteur sud-africain

La démocratie, c’est la ménopause des sociétés occidentales, la Grande Ménopause du corps social. Et le fascisme est leur démon de midi. Jean Baudrillard, sociologue fançais

Il faut savoir, bande de décadents ramollis de téloche et de pâtés en croûte, que les Grecs sont à l’origine du pire des maux dont crève aujourd’hui le monde civilisé : la démocratie. Pierre Desproges, humoriste français

Où sont les vraies sources de la dignité humaine, de la liberté et de la démocratie moderne, sinon dans la notion de l’infini devant laquelle tous les hommes sont égaux ? Louis Pasteur, inventeur français des vaccins

La démocratie est, en profondeur, l’organisation de la diversité. Edgar Morin, philosophe et écrivain français

La caricature est un témoin de la démocratie. Tignous, caricaturiste français de Charlie Hebdo, assassiné le 7 janvier 2015

La démocratie, c’est le gouvernement de l’opinion publique. Mais il n’y a pas de gouvernement de l’opinion publique et, par conséquent, pas de démocratie véritable, si cette opinion ne peut se former par la discussion et par la libre confrontation des idées, si elle est égarée par des informations insuffisantes, inexactes, partielles ou tendancieuses. Pierre Mendès-France, Président du Conseil de la IVème République, citation d’octobre 1957. Il parvient à conclure la paix en Indochine, à préparer l’indépendance de la Tunisie et à amorcer celle du Maroc.

Au sein de nos sociétés, nombreux sont les citoyens qui souhaitent prendre leur destin en main et la démocratie participative est l’outil idéal pour y parvenir. Plus que jamais, le temps est venu d’ouvrir le chantier de la refonte de notre démocratie pour apporter plus de participation, de transparence et de légitimité à la décision publique. Nicolas Hulot, ex-ministre de la Transition Ecologique

7. Lors des précédents Apéro philo la question “que peut-on faire d’utile comme actions individuelles” pour faire avancer nos réflexions dans le domaine public, est souvent revenue. Ci-dessous Jean-Marc Jancovici nous livre le fruit de ses réflexions sous forme de 20 questions/réponses relatives à des actions individuelles à conduire pour limiter les effets du réchauffement climatique. Nous avons retranscris ses réponses qui peuvent être vues sur une vidéo sur youtube en date du 3 novembre 2020

1ère question des internautes : existe-t-il une étude sérieuse sur ce sujet ?

Réponse de JMJ : Oui, réalisée par carbone 4 (entreprise de consulting fondée par J.M Jancovici) qui s’intitule « faire sa part » sous la responsabilité de César Dugast et Alexia Soyeux. En voici le résumé principal :

L’empreinte carbone moyenne des Français, qui s’élevait à 10,8 tonnes de CO2 en 2017, doit baisser d’environ 80% d’ici 2050 pour parvenir aux 2 tonnes de CO2 par an compatibles avec l’Accord de Paris. À quelle hauteur l’action individuelle peut-elle, ou doit-elle, contribuer à cet objectif ? Nous avons établi une liste d’une douzaine d’actions relevant de la seule volonté d’un individu, en agrégeant « petits gestes du quotidien » (acheter une gourde, équiper son logement de lampes LED, …) et changements de comportement plus ambitieux (manger moins de viande, diminuer les voyages en avion, développer le covoiturage … ). Ces actions sont toutes réalisables sans aucun investissement. Nous avons ensuite regardé ce qu’il était possible d’espérer en termes de baisse de l’empreinte carbone si un Français activait conjointement et systématiquement l’ensemble de ces actions, tous les jours de l’année. Il en ressort que la baisse serait de l’ordre de 25%, soit le quart de ce qui serait nécessaire pour répondre à l’Accord de Paris de la COP 21.

Cette hypothèse maximaliste a le mérite de mettre en lumière deux résultats importants : d’abord, l’impact de l’action individuelle n’est pas du tout négligeable – à condition de ne pas se cantonner à des actions symboliques et marginales. Parmi les actions individuelles à plus fort impact, le passage d’un régime carné à un régime végétarien représente à lui seul une baisse d’environ 10% de l’empreinte carbone totale d’un individu. Mais force est de constater que même un comportement « héroïque » généralisé ne peut permettre une baisse suffisante pour respecter l’objectif de hausse de la température moyenne de moins de 2°C de l’Accord de Paris. Cela imliquerait de faire disparaître 80% des émissions actuelles de GES. Si l’on considère par ailleurs que, même en cas d’exhortation généralisée à l’action, tous les Français seront loin d’activer l’ensemble de ces leviers, ce que l’on peut attendre de mieux de la part de ces changements de comportements individuels serait plutôt de l’ordre d’une baisse de 5% à 10% de l’empreinte carbone moyenne de chaque français au titre des actions individuelles.

Nos calculs montrent que l’engagement des individus et des ménages vers une décarbonation des modes de vie est assurément incontournable, et pour autant insuffisante pour atteindre les objectifs de réduction et viser la neutralité carbone de la France en 2050 (accord de Paris). En deux siècles (depuis la révolution industrielle), nous avons bâti un environnement social et technique sur la promesse d’une énergie fossile abondante et bon marché. Ce sont bien les machines qui émettent du CO2, pas les êtres humains ; pour décarboner nos économies, l’action individuelle est certes une partie de la réponse, mais elle ne peut suffire à atteindre les baisses nécessaires.

De même, l’efficacité et l’amélioration technique sont indispensables, mais non suffisantes. Pour gagner la bataille, il faut transcender le seul maillon individuel et accéder à un niveau collectif d’action. En parallèle des efforts dans la sphère privée, qui devront prendre place de toute façon, il est aussi essentiel d’obtenir du système (notamment comme citoyen ou comme collaborateur d’entreprise) le déclenchement d’un changement bien plus radical et profond que ce qui est entrepris aujourd’hui.

Pour réformer le système et décarboner les équipements et services dont nous dépendons tous, la question des investissements est fondamentale. L’investissement privé des ménages dans la rénovation des logements (rénovation thermique, changement de chaudière), et l’achat d’un véhicule bas carbone (véhicule électrique, ou très faiblement consommateur, ou éventuellement au biogaz) constitue un levier majeur de la transition. Il doit être déclenché et encouragé par les pouvoirs publics, à qui il incombe de mettre en place les incitations et aides adéquates.

Au total, la combinaison d’une posture « réaliste » en termes de gestes individuels (environ moins 10% de gaz à effet de serre) et d’investissements au niveau individuel (environ moins 10%), induirait une baisse d’environ 20% de l’empreinte carbone personnelle, soit environ le quart des efforts nécessaires pour parvenir à l’objectif de limitation de la hausse des températures de moins de 2°C. La part restante de la baisse des émissions relève d’investissements et de règles collectives qui sont du ressort de l’État et des entreprises. Les entreprises ne pourront rien faire à la bonne échelle sans commencer par mesurer, avec le même degré de granularité que la comptabilité économique, leur dépendance aux énergies fossiles.

C’est un préalable pour limiter drastiquement leur empreinte dans les meilleures conditions. Cela contribuera à activer la réflexion sur la transformation de leurs process industriels, leur fret de marchandises, leur approvisionnement énergétique, la conception de leurs produits, ou encore le choix des investissements et des implantations géographiques. Rappelons que, dans une entreprise, une action d’envergure ne prend place que si elle est décidée et pilotée par le sommet de l’exécutif, et intégrée au cœur même de la stratégie.

Il revient à l’Etat d’assumer pleinement son rôle de régulateur, d’investisseur, et de « catalyseur » à tous les niveaux. Il peut – et doit – montrer l’exemple en investissant dans la rénovation de ses propres bâtiments publics et en enclenchant la décarbonation de ses services (santé, éducation, défense pour l’essentiel, qui représentent 10% de l’empreinte carbone du pays). L’État est seul à même d’édicter les règles qui permettent de réorienter les investissements dans les filières décarbonées au détriment des actifs « bruns » (actifs émettant des gaz à effet de serre), et seul à pouvoir mettre en place les incitations fiscales et réglementaires adéquates, former ses fonctionnaires aux enjeux climat, ou encore conditionner les accords commerciaux au climat.

Il est le seul à pouvoir négocier avec l’Europe, qui a une compétence réglementaire sur bien des sujets majeurs pour le climat. Et l’Etat doit accepter de mettre en balance la croissance à court terme avec les inconvénients de la croissance « un peu plus tard ». Cette variété de leviers d’action doit être mise au service d’une transition radicale, dont on peut esquisser les contours sans prétendre à l’exhaustivité : développement des énergies bas carbone en fonction de leur contribution à l’atteinte des objectifs nationaux et du coût à la tonne de CO2 évitée, fin du charbon et du gaz fossile dans la production électrique, grand plan de rénovation des bâtiments résidentiels et tertiaires, décarbonation des modes de transport de personnes et de marchandises, réforme profonde du système agricole, décarbonation des process de l’industrie française, développement des puits de carbone naturels et technologiques, etc.

Il est donc vain, et même dangereusement contre-productif, de prétendre résoudre la question climatique en faisant reposer l’exclusivité de l’action sur les seuls individus. Le problème est systémique ; la construction d’une solution viable et crédible ne peut faire l’économie d’une action collective forte, qui devra passer par la mise en mouvement de tous, à la mesure des efforts déployables et déployés par chacun.

Exemples d’actions individuelles

  • Diminuer sa consommation de viande, de produits laitiers et de poisson dans son régime alimentaire

  • Remplacer les trajets courts en voiture surtout en milieu urbain par du vélo

  • Fixer le taux d’occupation des trajets en voiture, courts et longs, par plus de 2 personnes par voiture

  • Diminuer ses déplacements en avion par tout moyen

  • Acheter beaucoup moins de vêtements neufs

  • Manger local, en circuit court

  • Baisser la température de son logement et passer notamment à la pompe à chaleur (mais ce dernier point demande un investissement du particulier)

  • Acheter l’électroménager et le hi-tech d’occasion

  • Essayer de diminuer les déchets, notamment par l’achat d’une gourde et moins d’achats de produits emballés

  • Mettre des LEDs pour l’éclairage de son logement (ce qui demande un investissement du particulier, mais lui fait gagner beaucoup d’argent sur sa consommation électrique)

2ème question ; comment faire la part des choses entre les décisions collectives majeures et les décisions individuelles anecdotiques ?

Réponse de JMJ : Il y a une dizaine d’années, l’ADEME a fait une étude où il s’avérait que les gens qui faisaient le plus de petits gestes en faveur du climat étaient ceux qui avaient au total la plus grosse empreinte carbone… d’où la difficulté de faire les gestes qui ont de l’importance…

3ème question : que faire pour sensibiliser ses proches au problème du réchauffement climatique ?

Réponse de JMJ : c’est très difficile parce que nous avons tous en horreur d’abandonner nos rentes. Par exemple, un climato-sceptique n’a pas envie d’abandonner sa situation installée. Et on est tous pareils ! Face à cette attitude, il n’y a pas de solution miracle.

Toutefois, il y a quelques éléments de réponse : par exemple, si on veut arrêter de voyager en avion, il convient de ne plus fréquenter les gens qui aiment faire des voyages mais en procédant ainsi on change la nature de ses relations sociales ; autre exemple s’agissant de la fréquentation des gens qui aiment faire des achats dernier cri dans l’électronique. L’idée est donc d’arriver à intégrer une nouvelle communauté, mais ce n’est pas forcément facile… Pourtant, on a tous besoin d’être dans une communauté où on partage des choses….

Donc, une façon de faire changer les gens, c’est de leur donner à voir qu’ils pourront rejoindre une communauté qui partage leurs nouvelles idées… Dans ce cadre, la baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) devient alors un sous-produit d’une autre démarche qui va permettre de nouer de nouvelles relations sociales en étant à la mode.

C’est beaucoup plus facile pour les jeunes qui n’ont pas encore de rentes solidement établies en particulier s’agissant de la correspondance entre leurs activités professionnelles et leurs idéaux…. Ainsi, il est plus facile de basculer du bon côté de la force, si vous êtes réparateur de vélo, plutôt que si vous êtes pilote d’avions de ligne ou salarié d’une centrale à charbon ! Dans cette affaire, nous avons tous besoin de confort affectif et moral. Et c’est toujours plus facile quand on le fait à plusieurs !

4ème question : Vu qu’on fonce dans le mur en klaxonnant, comment se préparer au choc individuellement ?

Réponse de JMJ : se préparer individuellement, je n’y crois pas trop., en particulier s’agissant du cowboy qui creuse son abri avec un stock de 50 ans de boîtes de conserve et toutes les graines nécessaires pour faire pousser ce qu’il faut pour vivre. Reste ce que dit Pablo Servigne, la bonne façon d’être résilent, c’est d’avoir une valeur pour les autres… Si vous voulez être seul contre tous, c’est très très difficile ou alors il faut être très très fort. C’est beaucoup plus facile de s’intégrer à un collectif. Donc en fait cela renvoie à la question précédente. Il vaut donc mieux se préparer individuellement à intégrer une collectivité….

Faire des choses ensemble, c’est intégrer un groupe où chacun apportera une compétence particulière… Ainsi, par exemple, il y a des gens qui s’organisent en village avec des logements faiblement concommateur et une zone agricole proche opérée ou non par eux, pour pouvoir se nourrir… Il n’y a pas de martingale qui s’applique à tous. Par exemple pour les urbains, il convient de se préparer mentalement de façon à être moins surpris que d’autres par ce qui arrive…Par exemple si on habite sous les combles et que l’on ne peut dormir à cause de la chaleur, se préparer d’une manière ou d’une autre à lutter contre la chaleur (en intervenant soi-même notamment en déménageant, en isolant ou en faisant intervenir son propriétaire, etc…). La préparation consiste à comprendre ce qui va se passer, puis à envisager les futurs possibles et surtout à se mettre en réseau pour répondre à la situation… Les gens qui s’en sortent bien sont très généralement ceux qui sont déjà en réseau….

5ème question : comment réagir lorsque quelqu’un dit ne pas être concerné par le changement climatique ?

Réponse de JMJ : difficile ; par exemple lui dire « même pas cap de te renseigner une dizaine d’heures sur le sujet et de venir me dire ensuite ce que t’as compris »… Autre façon de procéder : prendre le sujet sous forme de jeu…

6ème question : qu’est ce qui pèse le plus lourd dans notre empreinte carbone ?

Réponse de JMJ : en gros, c’est quatre parts égales : l’alimentation, les achats, les déplacements et le dernier quart, le logement et les services publics…

En reprenant, l’alimentation produit des gaz à effet de serre (GES), parce que les champs sont cultivés avec des engrais azotés (plusieurs millions de ronnes épanduess chaque année), lesquels nécessitent pour leur fabrication de craquer du méthane pour faire de l’hydrogène qui est ensuite associé à l’azote de l’air pour faire de l’ammoniaque (processus qui produit beaucoup de CO2). Lorsque ces engrais azotés sont épandus, cela produit également du protoxide d’azote lequel conduit à une forte émission de gaz à effet de serre (GES)… S’ajoutent à ce premier point, le fait que nous mangeons des animaux qui ruminent, ce qui produit beaucoup de méthane (quatre fois le pouvoir du CO2 en matière de réchauffement climatique)… Il faut ajouter à cela la fabrication des emballages, les transports, l’énergie cosommée par les industries agro-alimentaires, l’énergie consommée pour réfrigérer les produits (chaîne du froid), etc… Si on compte la déforestation liée à l’extension des cultures, on dépasse le quart des émissions pour arriver à environ un tiers… Dans l’alimentation, le fait de manger moins de viande et en particulier moins de viande rouge représente une part importante dans le mouvement que nous pouvons impulser à titre individuel de baisse d’émission de GES… Mais ceci peut mettre en cause la survie des éleveurs eux-mêmes. A noter que c’est dans cette catégorie d’agricuteurs qu’il y a le plus de suicides… Dans ce contexte l’idée est non pas de supprimer complétement la viande, mais de diviser par environ trois sa consommation tout en augmentant les prix garantis à la production (à multiplier par 4 à 6, par exemple s’agissant dans les circuits courts)…. L’essentiel du cheptel qui disparaîtrait est celui qui se trouve dans les stabulations et qu’on ne voit pas…

Le second quart est représenté par tous les achats : les vêtements, l’électoménager, l’électronique, les livres,, les cosmétiques, la pharmacie et para-pharmacie etc…, en bref tout ce qui ne se mange pas. C’est compliqué d’arbitrer ses achats de manière simple. La première façon consiste à renoncer à un achat. La deuxième s’agissant de l’électronique est d’acheter les plus petits objets possibles, avec le moins de mémoire possible et de ne procéder à leur renouvelement moins souvent… En effet plus les objets sont gros, plus ils ont émis des gaz à effet de serre (GES) pour leur fabrication. Concernant les autres postes, il convient notamment de repriser ses vêtements,ou enore d’acheter des produits plutôt d’occasion.

Le troisième quart, ce sont les déplacements. En gros, 20% des déplacements individuels sont liés à l’avion, et 80 % sont liés à la voiture. Mais les déplacements en avion sont très mal répartis dans les différentes couches sociales. Une étude conduite en grande Bretagne montre que 50 % des déplacements en avion sont faits par 10 % de la population. Or expliquer à cette population que ses déplacements en avion font disparaître les coraux, tuent les forêts et font progresser les migrations est très difficile… Bon courage !

S’agissant de la voiture, 2/3 des déplacements sont des déplacements quotidiens, dont un tiers pour aller au travail…, le tiers restant étant des déplacements longs pour les loisirs…. On peut assez facilement renoncer à avoir une grosse voiture et prendre le train ou le bateau pour les déplacements longs…. Ne pas avoir de voiture et la remplacer par un vélo électrique c’est ce qu’on peut faire de mieux… Les transports en commun sont une bonne solution concernant la baisse de l’empreinte carbone. Dans les campagnes, le développement du covoiturage est une alternative importante….

Si on veut par exemple aller au Japon en limitant son empreinte carbone liée au voyage en avion, mieux vaut se taper 2 fois 15 jours de transibérien et prendre le bateau à Vladivostok, mais alors il faut partir pour environ 6 mois….

Enfin le dernier quart c’est le logement et les services publics (au total, ces derniers représentent 10 % de notre empreinte carbone). S’agissant des services publics, l’empreinte carbone est essentiellement l’hôpital (chacun est l’équivalent d’une grosse usine), l’armée (bateaux et avions) et l’enseignement (énorme parc immobilier). Parmi les choses à faire, par exemple beaucoup mieux isoler les bâtiments de l’education nationale…

S ‘agissant du logement il s’agit du chauffage au gaz et au fioul qui fait la grossse part de l’empreinte carbone. S’y ajoute néanmoins la construction neuve qui consomme ciment et acier à grosse empreinte également (entre 200 et 400 kgs de carbone par m2 construit)… Beaucoup plus faible si c’est construit en chanvre, paille, etc… Même en pierre, sauf que ça coûte beaucoup plus cher en main d’œuvre de maçonnerie…. Le chauffage au gaz et fioul est 4 fois plus important qu’à l’électricité… Donc pour décarboner l’économie du chauffage du logement, il convient de passer au poêle à bois, à la pompe à chaleur, etc (réseau de chaleur alimenté au bois), ce qui nécessite un investissement…. le tout à condition que le bois pousse aussi vite qu’il est coupé, ce qui va poser un problème avec le réchauffement climatique qui va obérer la pousse des forêts, sans compter la déforestation accidentelle comme intentionnelle…

A cet égard, Carbone 4 a mis en ligne gratuitement pour les particuliers un calculateur d’empreinte carbone qui s’appelle « myC02 » et qui sera accompagné par une aide gratuite, voir sur le site de Carbone 4 avec inscription en amont nécessaire (NDLR : il en existe plusieurs autres, dont ceux de la très officielle ADEME qui se trouve à l’adresse mail suivante : https://www.bilans-ges.ademe.fr notament élaboré et revu depuis l’an 2000 avec l’aide de JM Jancovici).

7ème question : mieux vaut être enterré ou incinéré ?

Réponse de JMJ : j’avoue que je ne sais pas, je n’ai pas fait le calcul. Par contre ce que je sais c’est qu’avant d‘en arriver là, il vaut mieux essayer de faire des choses utiles…

8ème question : est-ce que l’argent placé à la banque est émetteur de carbone et comment décarboner son épargne ?

Réponse de JMJ : oui, l’argent placé à la banque est très émetteur de GES ; en particulier une étude récente d’Oxfam sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) le montre. Cette étude a pris comme hypothèse (à discuter) que l’empreinte carbone d’une banque sont les émissions directes (auraient pu être ajoutées également toutes les émissions indirectes, mais alors c’est pratiquement toute l’éconoie qui est concernée) des secteurs d’activité financés par les banques (à travers la détention des actions par les banques pour compte propre via leurs filiales d’asset management ou encore d’assurances ou pour toute autre opération type détention d’obligation (titre de dettes des entreprises) ou encore des crédits (aux entreprises comme aux particuliers). Si on considère les ressources des banques qui permettent de prêter (selon des règles fixées par les banques centrales, règles déterminées aussi bien au niveau national qu’international voir les règles dites de Bâle 3 fixées à l’initiative de la banque des règlements internationaux (BRI)).

Il y a les fonds propres des banques mais aussi l’argent des particuliers sur des comptes courants. Pour les besoins de l’étude Oxfam a attribué aux particuliers les émissions directes de GES au pro rata de leurs dépôts. A titre d’exemple BNP Paribas a un stock de financement d’environ 2000 milliards d’euros à son bilan. Ainsi, s’agissant des marges de manœuvre des particuliers (que nous sommes tous) voilà ce qu’on pourrait imaginer faire : allouer notre épargne vers des fonds communs de placement moins producteurs de GES (voir à cet égard, l’évaluation de 3200 fonds communs de placement et OPCVM par l’organisme LITA - Live, Impact, Trust, Act -) ou encore de financer hors marché et directement par exemple « Terre de Liens » pour aider des agriculteurs à s’installer sur des terrains qu’ils pourront ensuite mettre en valeur selon des principes notamment bio ou respectueux des sols, de l’environnement et de la biodiversité, le tout à très long terme et loin de la spéculation foncière….

Il y a plein d’autres façons de financer une économie non carbonée, par exemple en investissant son épargne dans des forêts qui vont pouvoir séquestrer du carbone supplémentaire. Quand on a la chance d’avoir de l’épargne à placer, on peut faire toute une série de gestes pour décarboner l’économie en y réfléchissant un peu… En procédant ainsi, ceux qui vont le faire vont contribuer à orienter l’économie vers une situation moins carbonée… Mais, ce n’est pas facile et il faut en particulier bien réfléchir à la méthode que l’on emploie, le diable se nichant souvent dans les détails…

Par contre il faut être bon sur les paramètres « climat ». Tout n’est pas interchangeable, par exemple si on est bon sur les handicapés et pas sur le climat, on a tout faux parce que de toute façon on est voué à disparaître si on ne fait rien pour le climat… Si on veut réussir son coup, il faut y passer un peu de temps… Cela vaut aussi et en particulier pour le choix des véhicules d’épargne salariale (intéressement et participation)… Il faudrait en particulier vérifier et valider que les supports proposés vont bien dans le sens d’une moindre carbonation effective de l’économie…

9ème question : celle de l’emploi ou du changement de métier pour être dans une activité moins émettrice de GES

Réponse de JMJ : bien évidemment oui , il conviendrait de changer d’emploi si on peut le faire ! Il y a aussi la question du premier métier lorsqu’on sort de l’école ou de l’université (voir le mouvement le manifeste étudiant Pour un Réveil Ecologique https://pour-un-reveil-ecologique.org/fr (lancé en septembre 2018 par plus de 30 000 étudiants) qui propose notamment aux étudiants que cela intéresse de les diriger vers les entreprises moins émettrices de GES…

Enfin on peut aussi militer au sein de son entreprise pour que cette dernière adopte une attitude plus favorable à la décarbonation de l’économie… Cela commence à arriver dans certaines entreprises. Par exemple, il y a un groupe de salariés chez Orange qui a fait remonter le fait qu’ils pensaient que le déploiement de la 5G n’était pas pertinent au motif que le bilan avantage/inconvénient de la 5G n’était pas avéré notamment sur le plan environnemental… Certes, pour l’instant, cela n’a produit aucun effet, mais c’est le signe probablement que l’on peut faire des choses au sein de sa profession et de son entreprise…

Comme on l’a vu plus haut (question 3), ce qui est important quand on essaye de faire des choses individuellement, c’est de partager ce point de vue avec un collectif, une communauté, voire de créer et/ou rejoindre un collectif ou une communauté… Dans son boulot, on partage déjà son travail, si en plus on peut partager le même point de vue écologique, cela peut faire bouger les choses, en tout cas, plus vite que si l’on reste tout seul dans son coin…

Donc, au total, toutes ces actions potentielles individuelles sont loin d’être anodines… Il convient de les avoir en tête en permanence.

10ème question : pour ceux qui doivent avoir une voiture là où ils vivent, quel est le meilleur choix de motorisation (essence, diesel, gaz, hybride, électrique) ? Faut-il changer de voiture quand on ne s’en sert pas beaucoup surtout si elle est ancienne ?

Réponse de JMJ : La réponse à cette 2ème question n’est pas nécessairement oui… Pour répondre à cette question, il faut se donner comme référence de ne pas dépasser 30 g de CO2 produits par km pour une voiture qui n’est pas une grosse voiture. Si on a une vieille et grosse voiture et que l’on ne dépasse pas 2 à 3000 kms par an, ça ne vaut pas le coup de s’en débarasser pour acheter une voiture neuve électrique qui a déjà consommé pour sa fabrication et celle de ses batteries environ 60 g de CO2 par km sur sa durée de vie…

En plus il faut s’assurer que la voiture dont on se débarasse ainsi, part bien à la casse et ne va pas motoriser quelqu’un d’autre ailleurs… Si je suis à la campagne la meilleure motorisation possible est sans aucun doute le moteur électrique surtout si on fait moins de 30 000 kms à l’année et environ 200 à 300 kms maximum par jour où l’on s’en sert. Ça revient beaucoup moins cher qu’une voiture à essence. En fait Renault avait parié que sa Zoé serait une seconde voiture d’urbain et cela s’est avéré être une première voiture d’habitant à la campagne… Si vous êtes à la campagne et que vous faites beaucoup de petits déplacements, la meilleure des choses possibles et de vous acheter en complément un vélo électrique dont la batterie est cent fois plus petite. Cela permet de faire 10 à 15 kms par jour sans problème, sauf, peut être, dans les pays très montagneux…

Cela dit le vélo électrique est une très bonne réponse aux déplacements notamment urbains en termes d’économie d’émission de GES… Au total, la réponse, surtout si vous habitez à la campagne, et en tenant compte des points évoqués ci-dessus est d’acheter une voiture électrique…

11ème question : quelle est la durée de vie des batteries électriques pour voiture ?

Réponse de JMJ : 8 à10 ans dont 8 ans généralement garantis par le constructeur avec in fine entre 70 et 80 % de sa capacité maximale initiale

12ème question : quid de la réparation des produits achetés ?

Réponse de JMJ : ceci se révèle toujours mieux en bilan carbone, si c’est possible…

13ème question : existe-il une application « type yuka » (scanner santé du produit alimentaire que l’on souhaite acheter via un code couleur) qui permet de scanner le bilan carbone de chaque produit acheté ?

Réponse de JMJ : cette idée a été émise lors du Grenelle de l’environnement, mais elle s’est révélée très difficile à mettre en œuvre parce que quand s’il s’agit de regarder le prix d’un produit, chaque acteur économique qui a produit de la valeur ajoutée sur ce produit a tenu une comptabilité détaillée de telle sorte qu’il est facile de reconstituer son prix final.

Or chaque producteur ne tient pas de comptabilité carbone par produit. Voilà pourquoi il est très difficile de faire le bilan carbone d’un produit acheté…
Du coup on est obligé de faire des approximations, mais c’est impossible de le faire par exemple entre deux chemises différentes. Du coup on n’est pas très avancé sur le sujet et cela ne sera pas le cas avant longtemps (le temps qu’une comptabilité mondiale carbone soit mise en place…). Cela est également vrai pour les produits d’épargne…

14ème question : faut-il favoriser le chauffage au bois ?

Réponse de JMJ : Tant que les forêts qui sont coupées sont au minimum renouvelées et que votre poêle à bois n’émet pas de particules fines et est efficace.

15ème question : comment est-ce qu’on limite l’effet rebond (déport des dépenses vers d’autres produits en raison des économies réalisées sur les postes examinés ci-dessus) ? A rapprocher de la question suivante : si je me limite sur tous les points évoqués ci-dessus, il va me rester de l’argent. Qu’en fais-je ?

Réponse de JMJ : si j’ai une approche budgétaire dans mon comportement de dépenses, il va me rester des sous, sinon je ne fais que déplacer mes dépenses… Pour y arriver, on peut moins gagner d’argent ou faire comme Gainsbourg (ce qui revient au même que gagner moins d’argent) ou bien investir son épargne dans des secteurs décarbonés (de la transition écologique) ou encore accepter de payer des produits plus chers… Exemple si j’achète une bouteille de vin plus chère (ou un produit dans lequel la part de main d’œuvre a augmenté), le carbone produit est certes plus élevé mais le carbone produit par euro dépensé est plus faible…

Ça ne marche pas à tous les coups (par exemple ce n’est pas vrai pour un ordinateur par exemple parce que ce dernier aura plus de fonctionalité) mais cela peut être une bonne approche. La règle à privilégier est donc de favoriser les produits dans lesquels il y aura une part de main d’œuvre plus importante (par exemple vêtement fait ou repris chez un taillleur ou une couturière par exemple versus du prêt-à-porter)… C’est également vrai dans les produits agricoles ou dans les produits généralement vendus au kilogramme.

16ème question : vaut-il mieux acheter sur Amazon ou dans un supermarché ?

Réponse de JMJ : Si on considère tous les déplacements des gens vers un supermarché versus la distribution groupée d’un camion d’Amazon, il vaut mieux faire ses courses sur Amazon, mais si l’on considère que toutes les personnes ne sont pas chez elles au moment de la distribution par Amazon, il faut que le camion d’Amazon repasse plusieurs fois ; ce qui fait qu’au total il vaut mieux faire ses courses dans un super marché… Idem pour tous les sites de vente en ligne où nous pouvons changer les produits qui ne nous conviennent pas…

Autre avantage des super et hyper-marchés, une étude a montré que l’on y va moins souvent en situation de crise, donc on achète moins…

Entre les commerces physiques et Amazon, je n’ai pas fait les calculs, donc je n’en sais rien, mais j’ai envie de vous dire : allez faire vos courses à pied ou en vélo ou encore en voiture électrique à plusieurs si vous le pouvez…

17ème question : quid de l’isolation des logements dans un monde qui se réchauffe ?

Réponse de JMJ : j’en ai déjà un tout petit peu parlé ci-dessus. Cela dit, ce n’est pas parce que le monde se réchauffe que les hivers vont disparaître, en tout cas pas en France. Les besoins de chauffage ne vont donc baisser qu’un tout petit peu… Cela dit on va avoir des épisodes de plus en plus chauds et la question de l’isolation contre la chaleur va également se poser. Donc oui, il faudra augmenter d’une façon générale l’isolation principalement contre le chaud.

Première chose à faire à cet égard : blanchir les surfaces extérieures (cf par exemple la Grèce), y compris les toits.

Deuxième chose qui peut être faite : planter des arbres en ville à supposer qu’ils auront assez d’eau… En effet les arbres ont un double effet de refroidissement : ombrage et évaporation de l’eau..

Si on attaque les enveloppes des logements eux-mêmes : augmenter l’épaisseur de l’isolation en laine de verre, ce qui a un double effet : contre le froid en hiver et contre le chaud en été… Egalement mettre des auvents sur les fenêtres orientées au sud, Cela réduit l’impact du soleil en été sans causer de problème en hiver…

S’agissant du vecteur à chaleur ou à froid, il y a les pompes à chaleur géothermiques (particulièrement intéressantes) réversibles qui prennent la chaleur du sol l’hiver et la restitue au sol l’été. Ça joue sur quelques degrés, mais c’est raisonablement efficace. Ça marche assez bien aujourd’hui…

Il y a aussi ce qu’on appelle les puits canadiens (circulation d’air dans le sous-sol qui permet de pré-réchauffer l’hiver et de pré-refroidir l’été) qui ne coûte presque rien en empreinte carbone.

Parmi ces points, il y en a qui sont plus faciles à mettre en œuvre dans le cadre de maisons individuelles qu’en habitat collectif.

Quoiqu’il arrive, il va falloir s’en occuper s’agissant de nos actions individuelles. Evidemment cela ne va pas faire baisser beucoup l’empreinte carbone, Mais c’est nécessaire ! De toute façon, comme le climat est parti maintenant pour dériver quoi qu’on fasse, il y a un certain nombre de modification des logements à faire et le plus tôt sera le mieux…

18ème question : en tant que futur jeune agriculteur, comment puis-je piloter au mieux l’empreinte carbone de ma future exploitation, Quelles sont les meilleures stratégies à mettre en œuvre ?

Réponse de JMJ : question d’autant plus intéressante que l’agriculture est aujourd’hui l’un des rares secteurs qui peut aussi bien émettre que séquestrer du carbone… Aujourd’hui l’agricuture est essentiellement une source d’émission de GES. D’abord du fait de la déforestation pour augmenter la surface des terres cultivées pour nourrir la population mondiale toujours plus nombreuse.

Mais ce n’est pas tout, le labourage libère du CO2 contenu dans le sol : en oxydant le carbone qui est contenu dans le sol sous forme d’humus, le labourage contribue aux émissions de GES. Il y a aussi le diesel utilisé dans les tracteurs, la fabrication des engrais épandus, etc… Mais une partie de ce processus peut être renversé : par exemple en réensemençant sans labour, mais les agriculteurs qui font cela mettent alors des herbicides (en clair du glyphosate). Que faut-il faire ? Difficile de répondre à cette question qui mérite mieux que l’actuel tratement médiatique simpliste sur le glyphosate… Donc à étudier dans le détail…

On peut également développer l’agro-foresterie qui consiste notamment à refaire des haies et planter des arbres dans les cultures ou en limite… Cela permet de restocker du carbone dans le sol via le système racinaire de telles haies et arbres. De leur côté les feuilles, via leur décomposition notamment grâce aux vers de terre, permettent d’amener de l’azote gratuitement. Cela permet également d’amener de l’ombre pendant les périodes caniculaires ainsi que d’organiser un système de régulation de l’eau (voir en détail l’agro-foresterie). Cela favorise également l’habitat notament des oiseaux qui iront manger les insectes et autres bestioles contre lesquelles l’agriculture traditionnelle utilise des pesticides.

Tout ce qui permet de moins épandre d’engrais azotés (par exemple en utilisant les déjections notamment des animaux d’élevage, ce que font déjà les agriculteurs sans qu’on leur dise) est aussi hautement bénéfique dans le bilan carbone de l’agriculture tout en permettant des économies d’achat…

Il y a aussi tout ce qui se passe en aval de l’agriculture : tous les produits des champs partent en usine pour être transformés en produits alimentaires pour les animaux et pour les hommes. Ils sont ensuite acheminés vers les lieux de leur consommation. A titre indicatif, un camion sur trois qui circulent en France transporte de la nourriture. Ainsi l’agriculture actuelle est très dépendante de son aval très consommateur d’énergie fossile et donc émetteur de GES…

Pour répondre à la question posée : un jeune agriculteur qui s’installe devrait avoir pour stratégie de produire un maximum de produits diversifiés et un maximum de produits qui peuvent être consommés directement par les hommes dans des circuits courts. Ainsi par exemple, polyculture, élevage avec maraîchage, fruits, avec fabrication de yaourts, fromages et jambons permet de diminuer drastiquement son bilan carbone. De plus, la zone de chalandise se rétrécissant (circuits plus courts), le bilan carbone des transports agricoles diminue fortement. Tout cela permet de devenir plus résilient, plus bas-carbone et de générer plus de revenus pour l’agriculteur…

19ème question : Croyez-vous que dans une société où règne l’individualisme, les gens accepteront de sacrifier leur confort matériel pour améliorer le bien-être des générations futures ?

Réponse de JMJ : Tant que l’on ne voit la baisse de l’empreinte carbone que comme un sacrifice, la réponse est non. Autrement dit pour arriver à déclencher un changement de comportement, il faut que la baisse de l’empreinte carbone soit conjuguée avec un bénéfice de court terme. Ce bénéfice peut être de tout ordre : il peut être « on s’insert dans un collectif où on trouve que c’est sympa » ; il peut être « que l’on se met à faire de l’exercice et que l’on trouve cela sympa » ; il peut être « que l’on trouve que l’on diminue son budget et que ce n’est pas une mauvaise idée » ; etc… En d’autres termes il faut nécessairement trouver un bénéfice de court terme… Il faut nécessairement y trouver une petite partie d’un intérêt égoïste… Ce n’est pas gênant de le dire.

20ème et dernière question : Que penser de l’annonce par la Chine de sa neutralité carbone pour 2060, par le Japon pour 2050 et par Biden pour 2050 pour les USA si ces derniers rejoignent l’accord de Paris ?

Réponse de JMJ : Ce n’est pas une question directement sur les actions individuelles qu’on peut avoir face au réchauffement climatique mais je vais quand même répondre à cette dernère question parce que beaucoup de gens l’ont posée. Je note au passage que ces annonces n’ont rien de certain. Et je vais quand même les ramener à des actions individuelles dans le sens où le meilleur moyen pour que des dirigeants respectent leur parole, c’est que l’opinion publique, du moins dans les démocraties, y pousse fortement par ses actes effectifs.

Je vise non seulement les individus mais aussi les regroupements d’individus comme les entreprises, les associations, des morceaux d’administration, des collectivités locales, etc… La déclaration d’un responsable en démocratie, même sincère, ne résiste jamais à l’opinion publique. Je prends un exemple en Allemagne concernant d’ailleurs le carbone : Angela Merkel, physicienne de formation, avait très envie de modifier la politique d’abandon du nucléaire mise en place par son prédécesseur Shroeder. Elle a fait voter une loi prolongeant la durée de vie du parc nucléaire allemand. Puis est survenu l’incident de Fukushima et là, toute pronucléaire qu’elle fût à titre personnel, elle a mis en place une stratégie exactement inverse tout simplement parce que la pression de l’opinion allait dans ce sens…

Donc ces annonces ne donnent aucune garantie quand à leur effectivité finale, sauf si les dirigeants sont poussés par leur opinion publique…

Cela dit il vaudrait mieux que les différentes opinions publiques soient débarrassées de toutes les contradictions qui les traversent. Par exemple, lorsque les Nations Unies demandent à la fois l’allègement de la pauvreté et la diminution de la pression sur l’environnement, je ne sais pas si les Nations Unies se rendent compte du caractère malheureusement antagonique de ces deux propositions !

Petit codicille à ce que je viens de dire concernant la neutralité carbone : il s’agit de faire en sorte que les émissions de GES cessent d’être supérieures à la capacité d’absorption des puits. Ça veut dire deux choses : à supposer que les puits puissent être augmentés, notamment par de nouvelles pratiques agricoles, il faut diviser les émissions planétaires de GES par 4 à 5, pour la France par 6 à 7. Ça veut dire qu’il faut réduire les émissions de GES de 5% par an, c’est-à-dire l’équivalent de l’effet d’un covid par an, scénario qui veut dire qu’on est en récession permanente (-4 à -6% s’agissant du PIB) pendant de longues années… Est-ce que c’est ce qu’ont en tête notamment les dirigeants chinois, japonais et américains pour revenir à la question du début ? C’est loin d’être sûr… Cette neutralité finira par arriver un jour mais avec un état du monde pas terrible.

Un deuxième codicille à ajouter est que la surface des forêts se réduisant sur la planète, cela va encore accroître l’ampleur de la réduction des GES à faire, donc on voit que ce n’est pas gagné d’avance ! (NDLR : sans compter les conséquences du dégel du permafrost…) Donc raison de plus de penser qu’il faudra que nous tous, nous poussions pour que, ce que disent nos dirigeants, soit mis en acte…

8. Démocratie, ressentiment et complotisme

Résumé du livre de Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, « Ci-gît l’amer : guérir du ressentiment » :

La philosophie politique et la psychanalyse ont en partage un problème essentiel à la vie des hommes et des sociétés, ce mécontentement sourd qui gangrène leur existence. Certes, l’objet de l’analyse reste la quête des origines, la compréhension de l’être intime, de ses manquements, de ses troubles et de ses désirs. Seulement il existe ce moment où savoir ne suffit pas à guérir, à calmer, à apaiser. Pour cela, il faut dépasser la peine, la colère, le deuil, le renoncement et, de façon plus exemplaire, le ressentiment, cette amertume qui peut avoir notre peau alors même que nous pourrions découvrir son goût subtil et libérateur. L’aventure démocratique propose elle aussi la confrontation avec la rumination victimaire. La question du bon gouvernement peut s’effacer devant celle-ci : que faire, à quelque niveau que ce soit, institutionnel ou non, pour que cette entité démocratique sache endiguer la pulsion ressentimiste, la seule à pouvoir menacer sa durabilité ? Nous voilà, individus et État de droit, devant un même défi : diagnostiquer le ressentiment, sa force sombre, et résister à la tentation d’en faire le moteur des histoires individuelles et collectives.

Dans une interview à France Inter du 20 novembre 2020, Cynthia Fleury analyse en particulier le complotisme, qui agite la France ces dernières semaines, en ces temps de pandémie et de défiance anti-vaccinale élevée comme étant “ le récit parfait pour ce grand temps d’incertitude ; cela vient sécuriser par le pire. Ce qui est particulier, car on a une explication mais elle est absolument terrible.”

“Le complotisme, c’est le récit parfait pour ce grand temps d’incertitude. Il vient sécuriser par le pire. En plus, on ne peut pas contre-argumenter : tout signe vient renforcer la thèse émise.”

“Le logo qui nous permet de retrouver de la confiance, on ne peut plus l’activer. Car le complotisme est un délire paranoïaque et tout signe va venir renforcer la thèse émise, il permet de donner aux biais de confirmation un terrain absolu. Tout ce qui va être dit, vu, va être interprété pour confirmer la thèse.”

“C’est une manière de valider qu’on a une forme de maîtrise, qu’on est pas dupe, de valider son intelligence par la bêtise”.

“À partir du moment où l’on ne peut plus se nourrir de la beauté du monde, de la valeur des autres, que l’on ne peut construire son bien-être que par dénigrement d’autrui, on considère qu’on a basculé dans le ressentiment”. “Plus le ressentiment s’affirme, s’approfondit, moins le sujet en a conscience, plus il s’auto-légitime, plus il considère être victime d’une injustice.”

“C’est une maladie archaïque, mais aussi très actuelle. Ily a des conditions objectives qui peuvent renforcer le ressentiment dans la mesure où nous sommes dans un monde d’insécurisation. (…) Nous avons transformé le principe de l’égalité en passion mortifère. Et la pulsion ressentimiste se nourrit de la rivalité mimétique. Or nous sommes dans un monde d’hyper-rivalité mimétique via les réseaux sociaux.”

“Le mal ressentimiste peut mettre la démocratie à genoux. La démocratie peut traverser la peur, la colère, la révolte. Mais pas le ressentiment qui fait tourner la démocratie contre elle-même. Le ressentiment c’est ce moment précis où tout d’un coup vous n’avez plus confiance dans la démocratie pour être un vecteur de progrès historique. La réponse freudienne est de dire qu’il faut activer les forces de sublimation des pulsions ressentimistes (culture, éducation, soin). Or nous voyons que nous allons plutôt vers des renforcements autoritaires, régaliens.”

“Cela préexistait à l’apparition de la Covid 19, mais cette dernière joue un rôle de révélateur et produit du débordement. Nous étions, avant la Covid, dans une situation d’épuisement, à la fin d’un rouleau compresseur qui s’appelle le rationalisme gestionnaire et qui dit qu’il n’y a qu’une seule façon de faire performance dans ce monde : le quantitatif. (…) L’enjeu c’est de calmer ces délires autour du quantitatif et de produire du possible autrement que par le quantitatif.”

“Notre monde souffre d’une désubstantialisation du langage”, regrette enfin la philosophe. “Les uns et les autres utilisent la novlangue, la langue de bois, le double langage. Ils font perdre le sentiment de confiance en ce qui est dit et c’est très problématique dans l’univers démocratique puisque c’est notre seul vrai outil de régulation.”

9. Un peu d’humour


10. Compte-rendu de l’apéro philo du 1er décembre 2020 par vidéo Zoom et ensuite par audio

Emanuel Becker et Alain Aznar accueillent les 8 participants à la session sur zoom de l’apéro philo sur le thème « Cause démocratique/cause climatique, même combat ?

Puis Sylvia Vergnères lit un résumé préparé par Bruce Dévernois de ce qui a été mis sur le site (https://apero-philo-suisse-normande.github.io/) pour la préparation de cette session, qui, nous le regrettons tous n’a pu se tenir en présentiel pour cause de reconfinement dû au covid 19.

Un premier point est proposé à notre discussion par Sylvestre Huet, l’un de nos meilleurs journalistes scientifiques.

Il indique qu’aujourd’hui le citoyen ne maîtrise plus toutes les connaissances (contrairement aux encyclopédistes du 18ème siècle avec Diderot).

Les différents sachants ne maîtrisent pas non plus toutes les connaissances en ce début du 3ème millénaire parce que ces dernières sont devenues trop vastes. De plus nos savoirs sont très spécialisés.

Il convient alors, selon lui, d’utiliser à plein les ressources des expertises publiques possibles, pour être en mesure de prendre de bonnes décisions au sein de notre démocratie représentative.

Il prend notamment comme exemple la transformation de nos pratiques agricoles avec la nécessité de bannir durablement l’usage massif d’herbicides.

Ainsi, la polarisation organisée par les médias et différentes ONG sur les seuls herbicides au glyphosate et la mise en avant d’une exigence d’interdiction rapide pourrait aboutir à un usage plus massif d’autres herbicides dont le profil éco-toxicologique pourrait être bien pire…

Pourtant, il souligne que l’expertise publique de l’INRA a déjà montré comment cultiver sans ou avec très peu d’herbicides, surtout sans oublier d’indiquer également l’ampleur des transformations économiques et sociales indispensables à un tel changement technique.

Différentes municipalités (notamment Saillans, Kingersheim, Loos-en-Gohelle, Mouans-Sartoux, Langouët, voir notre site en particulier sous l’onglet « Les Thèmes ») dont celle de Grande Synthe (Hauts-de-France) dont l’expérience est retracée sur notre site sous le point 2, semblent montrer que s’appuyer sur la seule expertise technique ne suffit pas et qu’il convient aussi de renforcer la démocratie dite participative en impliquant davantage les citoyens, chose apparemment pas si facile d’après notre ami philosophe Julien Danlos qui n’a pu se joindre à nous ce soir et qui nous a envoyé un mail qui va vous être présenté ci-dessous.

Le renforcement de la démocratie participative passe à Grande Synthe notamment par le développement de différentes instances participatives comme le Conseil Citoyen, le Conseil municipal des jeunes, le Conseil des sages (en fait des anciens), le Conseil local de la vie associative, etc…

Suivent 2 entretiens avec Jean-Marc Jancovici, notre spécialiste français de l’étude des productions et consommations d’énergies (à 80 % fossiles -même en France- et fortement émettrices de gaz à effet de serre).

Il montre en particulier que l’éolien (énergie renouvelable et non émettrice de gaz à effet de serre) coûte très cher pour un service rendu qui n’est absolument pas à la hauteur des enjeux économiques (coût du programme français avoisinant les 100 milliards d’euros pour un service électrique intermittent -quand il y a du vent, il y en a partout en Europe en même temps ; ce qui empêche les échanges entre pays européens- le tout pour moins de 5 % de sa puissance installée et sachant que la puissance électrique injectée sur le réseau varie d’un facteur 8 entre les moments où il y a peu de vent et les moments où il y en a beaucoup (la vitesse de rotation des pâles ne variant que d’un facteur 3 dans le même temps)).

D’où la nécessité de coupler l’éolien avec une autre énergie : en Espagne avec des centrales au gaz fortement émettrice de gaz à effet de serre, en Allemagne avec des centrales au charbon (fortement émettrices comme toutes les énergies fossiles), en Norvège avec l’hydraulique : les norvégiens achètent l’électricité produite à un prix ridiculement bas, au Danemark, électricité produite par un énorme parc public d’éoliennes (financé par le contribuable danois à perte) pour la stocker en remontant de l’eau dans leurs nombreux barrages hydro-électriques (les norvégiens sont ravis d’avoir de l’énergie quasi-gratuite subventionnée par les danois (lesquels en ont marre et vont arrêter l’éolien)…

En conclusion, sauf à pouvoir stocker l’énergie éolienne de manière propre, c’est-à-dire couplée avec un mode énergétique sans production de gaz à effet de serre, l’énergie éolienne ne sert pas à grand chose tout en coûtant très cher à installer…

Dans une deuxième intervention, il montre que nous allons très rapidement buter au niveau mondial sur un pic de production énergétique alors même que la croissance économique est exclusivement dépendante de la consommation d’énergie.

Deux effets : d’une part l’inéluctabilité de la décroissance (ce que nos gouvernants n’ont pas encore compris), d’autre part, la poursuite des émissions de gaz à effet de serre avec comme horizon l’inéluctabilité du réchauffement climatique malgré toutes les COP et en particulier la COP 21 qui a engendré les Accords de Paris.

Face à cette perspective d’un effondrement de nos économies à un terme relativement court (nos enfants et les plus jeunes parmi nous le connaîtront), Jean-Marc Jancovici propose comme remède le développement de réseaux notamment d’entraide sur le mode proposé par Pablo Servigne…

Pour les matheux, nous avons mis un lien vers les équations dites de Kaya qui démontrent ces inéluctabilités…

Suit un méli-mélo de courtes remarques de 28 hommes et artistes célèbres concernant la démocratie dont celle de Winston Churchill qui indiquait que la démocratie était le pire des systèmes à l’exception de tous les autres, mais aussi celles de Pierre Mendès-France, Nicolas Hulot, Abraham Lincoln, Pierre Desproges, Guy Bedos, etc…

Ensuite, il y a en point 7, une transcription d’une vidéo où Jean-Marc Jancovici répond aux questions des internautes sur ce que nous pourrions faire, à titre individuel, pour, via un changement de nos comportements quotidiens, diminuer les émissions de gaz à effet de serre dont nous sommes directement responsables et qui représentent environ 20 % du total des émissions de gaz à effet de serre.

Notamment : moins manger de viande, de produits laitiers et de poissons, moins rouler, choisir des petites voitures qui consomment moins d’énergie, isoler davantage tant contre le chaud que contre le froid nos maisons individuelles, avec des solutions type « puits canadiens » et « pompes à chaleur réversibles », faire davantage de vélo (le cas échéant électrique), augmenter le nombre de personnes dans les voitures pour les déplacements, diminuer ses déplacements en avion, acheter beaucoup plus d’occasion, manger local et en circuit court, baisser la température de son logement, diminuer ses déchets, généraliser les ampoules LEDs pour l’éclairage, choisir une banque n’investissant pas notre épargne dans les énergies fossiles…

Actuellement et notamment en France, il y a beaucoup d’idées complotistes qui circulent. En point 8 sur notre site, nous avons résumé le livre et une interview sur France Inter de la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury qui explique comment cela est possible du fait de ce qu’elle appelle « le ressentiment » qui vient saper les fondements de notre démocratie.

Enfin, face à ces développements austères et pas vraiment joyeux, nous avons mis en ligne en point 9, https://apero-philo-suisse-normande.github.io/ un peu d’humour avec ce que nous connaissons tous, à savoir la déformation de propos relayés par une chaîne de personnes (jeu auquel certains d’entre nous se sont déjà livrés)…

Ensuite Alain Aznar et Emmanuel Becker se font le relais des informations que Julien Danlos nous a envoyé par mail parce qu’il ne pouvait se joindre à nous, étant retenu par une obligation.

En particulier, Julien Danlos propose de compléter ce que nous avons mis sur le site par une citation de Pierre Mendès-France dans un ouvrage paru en 1962 : « le citoyen est un homme qui ne laisse pas à d’autres le soin de décider de son sort et du sort commun. Parce qu’elle dépend essentiellement de la volonté des citoyens, parce qu’elle suppose un effort permanent, la démocratie n’est jamais acquise. On ne peut jamais se reposer sur elle, s’endormir en elle. Pas plus qu’elle ne peut être acquise, elle ne peut être parfaite. Il n’existe pas de démocratie atteinte et accomplie une fois pour toutes. Elle est ce vers quoi on tend, ce qui demeure à l’horizon. Mais aussi parce qu’elle n’est jamais pleinement acquise, la démocratie est toujours menacée. Par ses adversaires, sans aucun doute. Mais bien plus encore par la négligence ou l’inertie des citoyens. Eux seuls peuvent la faire vivre, en la portant jour après jour, dans une incessante action de solidarité. »

Il ajoute que l’échelle de la municipalité est aujourd’hui un des niveaux où de nouvelles pratiques démocratiques s’expérimentent et il nous donne quelques idées de lecture tournées vers le municipalisme, glanées lors de son récent séjour dans la Drôme à Saillans : Biehl Janet, Le municipalisme libertaire, Ecosociété, 2014 (1998 pour l’édition américaine originale) / Blondiaux Loïc, Le nouvel esprit de la démocratie, Paris, Seuil, 2008 / Dugrand Maud, La petite République de Saillans, Rouergue, 2020 / Maltcheff Ivan, Les nouveaux collectifs citoyens, Paris, Yves Michel, 2011

Il nous livre ensuite une piste de réflexion :

En France, c’est connu, nous sommes très attachés aux idées, mais nous sommes moins portés sur l’expérience concrète des idées. Il en va de manière particulièrement flagrante de la pratique démocratique. Pour caricaturer, nous pourrions dire que nous avons tou.te.s le mot « démocratie » à la bouche, mais que nous sommes au final relativement peu à expérimenter concrètement la démocratie dans nos vies. Dès l’école, c’est notable. Certaines pédagogies, pratiquées dans les écoles Freinet par exemple, sont particulièrement tournées vers le débat entre élèves, entre professionnels, et la construction de solutions partagées, mais cela reste marginal. Nous sommes globalement plus habitué.e.s aux simplicités de la décision hiérarchique.

Si l’on en revient aux fondamentaux de la pratique démocratique, à savoir la démocratie au sein de petits groupes, de collectifs, il existe bien d’autres outils que le vote à la majorité pour parvenir à prendre des décisions collectives : d’autres modalités de choix existent (les autres types de vote que le vote à la majorité - il y en a plein ! - : le choix par consensus, le choix par consentement) ; cela vaut aussi pour les élections, d’autres manières de faire existent, comme l’élection sans candidat ; idem pour les modalités de prise de parole… Bref, la démocratie est un continent encore largement inexploré. A l’heure où les chantres de la post-démocratie sont tentés de jeter le bébé avec l’eau du bain, une modeste posture n’est-elle pas celle de l’artisan, qui expérimente et tâtonne, ici et maintenant ?

Alain Aznar intervient alors pour redire et insister sur le fait que la démocratie est un système imparfait qu’il convient de toujours parfaire.

Il recite Pierre Mendès-France, pour qui la démocratie est un processus ouvert et inachevé, ce qui constitue à la fois sa force - toujours susceptible d’améliorations - et sa faiblesse – toujours menacée par des forces contraires -, qu’elle risque d’autant plus d’accueillir en son sein qu’elle se doit d’être ouverte à tous. Ainsi, ce ne sont pas tant des ennemis extérieurs qui la menacent – ceux qui lui reprochent précisément d’être un régime faible et inefficace et qui veulent lui substituer un régime autoritaire.

Ce sont ses propres citoyens qui constitueraient comme une menace intérieure, ils ne se donneraient pas toujours les moyens de satisfaire leur désir de justice et pêcheraient du fait de leur choix des jouissances privées au détriment du vivre ensemble, avec un désintérêt des affaires publiques, encore du fait d’un manque d’action et de courage, d’une paresse ou d’un fatalisme face à la difficulté de la tâche.

Il est vrai que le respect des libertés individuelles, propre à toute démocratie digne de ce nom, risque de confiner les citoyens dans une quête exclusive de ces plaisirs privés et dans une attente passive, au détriment d’un engagement actif dans l’espace public.

L’ennemi aujourd’hui de la démocratie c’est l’individualisme et la recherche constante de l’assouvissement de ces désirs du particulier au détriment du collectif.

Ensuite, Emmanuel Becker rappelle brièvement les réflexions qui ont émergé lors des précédentes séances dont le thème transversal est la question de la transition. La question environnementale est au centre du débat démocratique actuel. Or l’urgence climatique, le réchauffement, demeure une préoccupation de pays riches. Il évoque le philospohe Dominique Bourg pour qui « la priorité devrait être de préserver l’habitabilité de la planète. » Nos dirigeants politiques se disent favorables à la consultation citoyenne, aux débats, à la confrontation des idées… Poudre aux yeux ? Communication politique ? Ersatz de liberté d’expression ?

Les citoyens constatent, un peu ahuris parfois, que les décisions politiques vont à l’encontre des engagements initiaux. S’ensuit la contestation des experts et des scientifiques placés sur le devant de la scène en période de crise sanitaire notamment. Le débat actuel réside dans la tension entre connaissance/conscience du problème (du « péril climatique ») et nos activités quotidiennes que nous poursuivons impunément. Cela pose la question du choix qui découle du thème (ô combien philosophique !) de la liberté. Or le choix est-il/a-t-il encore une réalité ?

D’aucuns crient au déni de la démocratie. La convention citoyenne pour le climat est parfois critiquée au prétexte qu’elle affaiblirait les institutions démocratiques traditionnelles. Certains voient dans les propositions de révisions constitutionnelles l’ombre du populisme. La crise sanitaire s’accompagne d’une crise sociale qui ne fait qu’émerger. Difficile de se repérer en ces temps troubles et incertains ! La société se divise : ceux que l’on appelle les « minorités actives » s’affrontent aux climatosceptiques.

A côté de la ligne officielle, le droit au doute, l’esprit critique peut vite être assimilé à une dérive complotiste. L’injonction à la désobéissance civile de nombreux militants qui encouragent la lutte contre les mesures considérées comme liberticides interroge en effet. Ces oppositions fragilisent-elles ou font-elles avancer la démocratie ? « Il est temps », la grande enquête menée par ARTE (la télévision européenne) au printemps dernier (à laquelle j’ai participé), alors que nous étions plongés dans le premier confinement, événement sans précédent, connait actuellement un temps de restitution. Cela illustre bien cette situation. Il est temps désormais de s’interroger moins sur le pourquoi (nous en sommes là) que sur le comment (procéder). Comment alors passer à l’action ?

Dans ce contexte, Caty Banneville se propose d’écrire avec Gilbert une lettre ouverte à la municipalité de Clécy avec copie à la Communauté de Communes du Cingal, qu’elle souhaite nous communiquer pour qu’elle s’inscrive dans un mouvement collectif, pour l’enrichir et la co-signer, notamment à propos de l’idée d’élargir l’expérience d’un jardin partagé déjà à l’œuvre, avec un petit groupe d’habitants de Clécy, mais aussi une discussion plus générale avec la municipalité sur ce que nous pourrions collectivement proposer…

Pour mémoire, Bruce Dévernois indique qu’il existe dans le traité de Lisbonne, une disposition de démocratie participative (article 11, paragraphe 4) qui permet à 1 million au moins de citoyens européens appartenant à au moins 7 pays de l’Union de demander par pétition signée et envoyée à la Commission européenne (dans le cadre de ses attributions) de proposer, dans le délai d’un mois, une nouvelle législation européenne aux fins de l’application des traités (pourquoi pas concernant un crime d’écocide lié à l’émission des gaz à effet de serre et au respect du traité de la COP 21 pour rebondir sur la proposition des 150 citoyens français réunis en convention citoyenne par Emmanuel Macron ? - Vérifier, que la Commission est bien habilitée à présenter une proposition législative sur ce sujet (l’environnement), ce qui semble être le cas - la première étape consiste, après l’identification d’un sujet ou d’un problème à soumettre à la Commission, de mettre en place un comité d’initiative composé de 7 citoyens européens, appartenant à 7 Etats membres différents).

S’ensuit, après une coupure de la session sur Zoom, transformée en réunion audio grâce à Emmanuel, une discussion animée sur la façon dont se transmettent les messages, attitudes et comportements notamment vis-à-vis des jeunes générations et sur ce qui s’y joue à cette occasion.

Notamment pour rebondir sur ce que disait Alain, Pankaj Salley-Jha trouve d’une façon générale, que les gens ne s’impliquent pas assez s’agissant de nos actions collectives. En tout cas culturellement nous n’avons pas cette faculté de participer et partager la démocratie comme le font si bien les scandinaves.

On peut en rêver, mais nos participations à des discussions ou à certains programmes ne peuvent suffire. Même si cela peut être gratifiant à court terme, cela ne nous permettra pas d’arriver à atteindre les buts que nous souhaitons atteindre à long terme, mais surtout cela est de nature à provoquer ressentiment, mécontentement et colère, lesquels rejailliront sur notre propre entourage puisque nous serons frustrés que rien ne bouge. Il en résulte un mécontentement concernant nos vies, une collectivité malheureuse, une perte d’intelligence et de temps et un gaspillage d’efforts.

Selon Pankaj, la meillleure façon d’en sortir est de procéder, s’agissant de chacun d’entre nous à une profonde introspection. Au cœur de cette introspection, nous devrions retrouver nos valeurs, ce en quoi on croit et certains comportements à adopter. Une fois cette introspection réalisée, il nous restera encore la moitié du chemin à parcourir et en particulier à nous concentrer et à remplacer, petit à petit, les valeurs que nous avons par des valeurs plus égalitaires avec une meilleure interdépendance, d’abord en les pratiquant, ensuite en en discutant avec les autres…

En tant que membres d’apéro-philo, notre but premier devrait être d’examiner si nous avons des valeurs égalitaires et interdépendantes… Si tel n’est pas le cas, nous devrions en discuter entre nous pour les identifier et les partager davantage… Une fois que nous serons environ 15 % à partager ces idées, l’expérience montre que ce sera gagné. Facile à faire ? Non certainement pas, mais cela en vaut le coup !

Pour compléter ce besoin d’une société plus collective, plus humaine, apportant plus de sens à nos vies et plus de satisfactions, Pankaj donne l’exemple de l’expérience des jardins partagés ou des AMAP :

On y voit en particulier les aspects négatifs de nos efforts collectifs :

  • seules 3 ou 4 personnes y sont actives,
  • les autres se comportent comme des touristes.

Quand on se demande pourquoi ce manque de participation existe, on trouve les principales raisons suivantes :

  • les responsabilités ne sont pas clairement définies,
  • les participants ne se sentent pas responsables et redevables,
  • il n’est pas tenu compte de leurs besoins effectifs et des changements de leurs priorités dans le temps et en termes d’environnement,
  • les gens sont indépendants et individualistes.

Pour lutter contre ces comportements, on devrait prendre les mesures suvantes :

  • définir les responsabilités de chacun,
  • créer des processus actifs et transparents,
  • définir la façon de rendre les gens responsables et les reconnaître,
  • définir les mécanismes d’interdépendance (afin de protéger l’avantage de l’initiative collective)
  • définir la vision d’ensemble et les gains à court terme comme les buts à long terme,

Essayons donc ces étapes et améliorons les en les expérimentant 1) introspection 2) partage des valeurs et examen des interdépendances 3) examen de la politique de communication, d’information et de sensibilisation…

Vincent Amouret pense en particulier que chacun devrait avoir une part de responsabilité à exercer concrètement au sein de notre apéro-philo ainsi que dans les actions à conduire sur le terrain. Il propose également, au cas où nous serions amenés à l’utiliser pour quelle que raison que ce soit, que nous abandonnions Zoom qui a changé sa politique, pour adopter Discord. Il va faire un essai…

La session est levée vers 21 h 30.